Gisèle s’était pris un appartement à quelques pas du train et à quelques coins de rue de la maison. Elle disait qu’elle avait besoin d’espace mais ne voulait pas quitter le quartier où elle avait vécu 30 ans. Il était content qu’elle lui ait laissé la maison. Ça lui permettait de garder ses habitudes. Son fauteuil, les nouvelles, le jardin qu’il entretenait avec elle.
Tous les soirs, il allait la chercher au train, et ils
marchaient ensemble du train jusqu’à son appartement. Ils parlaient du présent. Elle racontait sa journée de travail quelques anecdotes de
la vie de bureau, d’un événement qu’elle avait vu au centre-ville. Il lui parlait de son jardin, des
tomates qui grandissaient sans elle, lui demandait des conseils pour qu’elle
soit aussi belles que lorsque c’était elle qui les arrosait.
Devant son appartement, ils hésitaient un moment,
terminaient, mal à l’aise la conversation. Parfois, il lui offrait de faire quelques courses pour
elle; elle lui faisait une petite liste et il lui rapportait le sac le
soir suivant, très fier. Parfois, et ces moments étaient magiques, elle
l’invitait à souper.
Lorsque la maladie était revenue, c'est lui il avait pris le train
matin et soir pour aller la visiter dans un hôpital spécialisé de Montréal. Dans la petite chambre remplie de fleurs, il s'assoyait dans un coin et restait près d’elle, discret. Elle dormait beaucoup, parlait peu, et il acceptait chaque petit moment, chaque sourire, chaque petite demande d’aide qu’elle faisait, avait joie et humilité.
Quand finalement, elle était ressortie avec sa tête de
battante, il avait été heureux de venir la reconduire et l’attendre au train le
soir, lorsqu’elle allait en ville faire la touriste avec sa soeur ou ses anciennes copines du bureau. Elle revenait souriante et épanouie de
ses « sorties de filles », mais il devinait à la façon dont elle
s’appuyait sur lui, qu’elle était plus faible et plus fatiguée et qu’elle appréciait
sa présence rassurante.
Le soir où je l'avais remarqué en rentrant à la maison il y avait dans son attitude quelque chose de solennel et de grave qui avait attiré mon attention. Je l'avais observé longuement alors que je m'éloignais et avait remarqué qu'il était resté tout à ses réflexions, alors que le dernier passager avait descendu l'escalier. Le ciel état rose, le dernier train était passé, quand une jeune femme s’était approchée de lui pour lui dire : « Papa, on te cherchait partout, j’étais inquiète, viens-t’en à la maison, on est tous là, reste pas seul dans ton chagrin »
Il l’avait regardé tendrement avant de se lever pour la
suivre. « Merci Nathalie, ça
va. Je me sens mieux. Je suis venu lui dire au revoir ici. Tu ne pourrais pas
comprendre, mais c’est ici que j’ai le plus aimé ta mère, c’est ici, assis sur
ce banc que j’ai été le plus heureux, et il n’y a qu’ici, que j’arrive à
apaiser mon chagrin. Un
peu. »
Je viens de lire, en boucle, l'histoire de Gisèle et d'Albert (je l'avais manquée) et j'en suis toute retournée. Tu écris très bien et très intensément. Continue.
RépondreSupprimerJ'avais hâte de lire la suite. Finalement, c'est bien d'écrire en petites parties. Ça nous fait patienter.....et s'impatienter!
RépondreSupprimerToujours moi, Michèle, merci de me lire, merci de vos compliments, je doute souvent et vos bons mots me rassurent. Merci de me lire.
RépondreSupprimerJe suis triste pour Gisèle qui semblait si libre et heureuse dans sa seconde chance de vie!
RépondreSupprimerTriste pour Albert aussi, bien sûr...
Tu écris si bien, j'espère que l'inspiration te reviendra bientôt!
France
France, oui c'est triste, Je me dis qu'ils ont peut-être grandis un peu. Merci de me lire. Je crois bien que l'inspiration reviendra. En tout cas, je recommence à collectionner des bouts d'idées, c'est bon signe.
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