C’est là que je l’ai vu, au milieu de la rue, comme une pièce à conviction, comme la preuve du drame qui venait de se dérouler peu avant mon passage. Là, au milieu de la rue, un concombre blessé. On y constatait une première blessure, le bout cassé résultant de sa chute probablement, mais ce qui brisait le cœur, c’était ce qui avait dû être le coup fatal, une trace de roue de voiture qui avait complètement écrasé la moitié gauche du légume et l’avait réduit en bouillie.
Et
l’incident m’est apparu comme une évidence. Plutôt ce matin-là Émilie, une belle brune aux yeux verts
pétillants, avait appris une nouvelle. Pourtant, elle avait pris sa voiture seule et avait
machinalement fait ce qu’elle faisait toujours les mercredis matins, elle était
allée à la fruiterie bio acheter des fruits et des légumes pour se faire une
repas. Émilie était pigiste et le
petit luxe qu’elle se permettait était de faire ses courses le mercredi alors
que la plupart des gens travaillaient.
Elle se reprenait souvent en travaillant le samedi et le dimanche après
être allé au yoga, au gym ou être allée courir.
C’est au
volant de sa petite voiture hybride, avec le sac de nourriture sur le siège du
passager, que la réalité l’avait frappée.
Les mots du médecin, les termes techniques qu’elle n’avait pas compris,
ses paroles répétées plusieurs fois « Êtes vous correcte, Madame, est-ce
que quelqu’un peut vous ramener à la maison, êtes vous en état de
conduire. ». Bien sûr qu’elle
était en état de conduire, c’était une athlète, une femme forte, qui prenait
soin de sa santé. Alors elle
était sortie, était passée à la fruiterie comme d’habitude, et là, à quelques
pas de chez elle, le concombre avait sorti sa tête, comme pour la narguer,
comme pour lui dire, « Tu sais quoi, tous ces efforts n’ont servi à rien,
tu es comme le reste du monde, mortelle, et peu importe la quantité de légumes
bio que tu mangeras, ben il y a des maladies, comme celle dont ton médecin t’a
parlé, qui vont venir te rattraper. »
Dans un
élan de colère, Émilie avait ouvert la fenêtre, et lancé le concombre par la
fenêtre, à Dieu, au diable, à la fatalité, à l’injustice en criant :
« Tiens, le v’la ton ostie de concombre, tu peux te l’mettre où je
pense »
J’ai
continué ma course, en regardant le soleil briller entre les branches des
arbres, comme une dentelle verte
sur un ciel bleu azur, en laissant entrer l’oxygène dans mes poumons. Quelques pas plus loin, il y avait
aussi, un piment rouge, une tomate et une brochure d’information sur une
maladie dégénérative incurable.
Comme j'aime ce ¨¨comme une dentelle verte sur un ciel bleu azur¨¨. Cette histoire m'a bouleversée, car elle m'a rappelé ma petite soeur le jour où elle a aussi appris que l'o... de concombre ne lui avait jamais été si utile dans le fond; elle qui était si raisonnable.
RépondreSupprimerJ'pensais un peu à elle en écrivant cette histoire et à la vie qui malgré tous les efforts qu'on peut faire, n'est jamais exactement comme on le voudrait. Pour ce qui est de la dentelle et du ciel, ça m'a frappé cette semaine, ici les arbres sont comme juste le moment avant que les feuilles sortent, après que les bourgeons aient éclatés et on dirait vraiment de la dentelle. Contente que ça t'ai touché.
SupprimerC'était beau et bon à lire, avec un petit goût amer. Merci.
RépondreSupprimerTu me connais maintenant, tu sais que j'aime les belles histoires qui laissent un doute. Parce que la vie réserve toutes sortes de surprises des fois belles, des fois tristes.
SupprimerAaah que j'aime donc te lire. Tu me touche profondément chaque fois, et tu me donnes envie de me mettre à écrire. Alors merci : grâce à toi, je suis plus productive :)
RépondreSupprimerUne autre histoire géniale... quelle belle imagination tu as!
RépondreSupprimerIntéressant :-)
RépondreSupprimerJe potine!
http://www.la-mere-est-calme.com/2012/04/les-potins-du-dimanche_28.html
(en ligne dimanche!)