Une souris beige

Un jour de pluie, je suis montée dans le train et je me suis assise à côté d’elle. Elle portait un imperméable beige ordinaire et à ses pieds dégoulinait un excentrique parapluie rouge à pois blancs. J'ai remarqué ses yeux tournés vers l’extérieur alors que son regard semblait tourné vers l'intérieur.

Une goutte d'eau descendait doucement la vitre. Elle pleurait.
Elle avait quitté la maison après avoir dit des mots qu'elle regrettait. Apprendre à exiger le respect, à être traitée de façon agréable ce n’était pas si simple. Elle aurait aimé avoir le talent qu'il fallait pour bien dire ce qui méritait d'être dit. Comme dans ces sessions de développement personnel auquelles elle participait.

Le cafouillis de ce matin, ce « C'est ça! Vas donc vivre ailleurs.» était sorti tout seul. C’était bien loin du "je" qu’elle avait appris à exprimer pour exiger d’être respectée.  Ce qu'elle voulait dire était « Je t'aime quand tu es calme et posé, mais quand tu es irrationnel et bébé et que soudain tu me traites comme si je n'étais rien...Je te déteste, vraiment, je te hais.»

 Surprise, d'avoir prononcé ces mots, même dans sa tête, elle sourit. Pas certaine que c'était comme ça qu'elle aurait dû lui dire non plus, mais au moins la colère apparaissait.  C'est une chose qu'elle ne connaissait pas avant : la colère. De la compréhension, de l'appui, du pardon, mais pas de la colère. Pas cette juste colère qui dit: je suis et j'ai le droit d'exister et d'être respectée

Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?

Oh que oui, elle voyait ce qui venait. Un grand vide qui menaçait de l’aspirer  et qui lui faisait peur en même temps que ça la grisait. Depuis qu’elle avait laissé entrer la colère elle ne pouvait plus reculer;c’est la colère qui la guidait.

‘’Prochaine Gare : Gare Centrale’’

Elle est sortie rapidement, s’est fondue à la foule et est disparue. Petite souris beige vite oubliée. Je ne l’ai pas revue.

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