Entre le malheur et l'espoir: Du côté de l'espoir

Cette histoire est la suite de "Entre le malheur et l'espoir."

L’infirmière lui avait dit d’attendre. On avait amené Théophile. Esther n’avait pas le choix de faire confiance à ses étrangers qui avaient promis de sauver son fils. Elle ne pouvait rien faire pour lui. On lui avait expliqué qu’on avait trouvé un donneur. Ce mot la laissait perplexe. Donneur.


Il lui arrivait de ne pas comprendre les gens qui lui parlaient. Le français qu’elle entendait ici, était bien différent de celui qu’elle avait appris à l’école du village où elle était née, mais ce mot-là elle était certaine de le comprendre. Elle avait malgré tout demandé à ses filles d’en confirmer la signification. Un donneur, c’est quelqu’un qui donne. Pourtant, celui qui donnait un rein à son fils, ne l’avait pas donné, On le lui avait pris, parce qu’il était mort. Pour que son fils survive, un autre avait dû mourir.

Si être donneur, voulait dire offrir sa vie pour les autres, alors ses deux fils aînés avaient été des donneurs; elle n’aimait pas du tout cette image. Ces fils étaient des sacrifiés, pas des donneurs. Ils n’avaient jamais eu le choix de donner ou non. Un soir, des hommes armés étaient venus. C’était pour sauver leurs frères, pour la patrie, qu’ils avaient dit. On lui avait rapporté 2 corps inanimés, lui disant que ses fils étaient des héros, qu’ils s’étaient donnés pour la cause.

C’est ce jour-là qu’elle avait décidé de partir, avec ses 2 filles et le petit Théophile, encore au sein. Elle avait fui durant la nuit, emportant le minimum et avait rejoint les cohortes de gens qui fuyaient aussi, parce qu’elle ne voulait pas que Théophile devienne un héros, et que ses filles soient sacrifiées au nom de l’idéal de ces illuminés.

Elle s’était mise à prier. Pour la première fois de sa vie, Esther avait l’impression que seul Dieu pouvait faire quelque chose pour son fils. Elle l’avait porté dans ses bras des heures durant, l’avait nourri au sein dans un camp de réfugiés, travaillait comme femme de ménage dans un pays qu’elle ne comprenait pas très bien. Mais là, elle, ne pouvait rien faire d’autre que dire à Dieu, que c’était assez, qu’elle avait l’impression de mériter mieux, qu’elle avait déjà perdu deux fils, et que celui-là, elle voulait le garder, qu’elle en avait assez d’être le donneur, et que peut-être c’était à son tour de recevoir.

Quand l’infirmière était venue la voir, elle avait les yeux fermés et les mains jointes sous son menton. Les seuls mots qu’elle avait compris étaient « … c’est fini. » . Esther avait ouvert ses grands yeux bruns, n’osant demander ce qui était fini, mais l’infirmière avait répété. « L’opération est terminée, Théophile va bien, il va se réveiller dans quelques heures, la greffe a réussi. »

Dieu était grand. Il faudra qu’elle appelle Clarisse et Amida pour les rassurer, pour leur dire que leur petit frère vivrait et retournerait bientôt à l’école du quartier. Elle n’avait pas voulu que les filles viennent à l’hôpital. Elles avaient l’école, les devoirs,  elles avaient le futur qui s’offrait à elles. Elle appellerait, plus tard, quand elle aurait séché ces larmes qui n’en finissaient plus de couler. Ces larmes, qui étaient les premières qu’elle versait, depuis le jour où elle avait décidé qu’elle ne donnerait pas les enfants qui lui restaient.

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