Elle écoutait de la musique

Cette histoire est la suite de Il venait à Montreal pour le Grand Prix

Élise avait passé la soirée en pyjamas.  Michel était parti depuis jeudi, pour son week-end de gars à Montréal.  Elle s’était fait un feu dans le foyer.  Malgré l’été qui arrivait bientôt, les soirées étaient encore fraîches.  Michel aurait dit qu’elle était frileuse, que ce n’était plus la saison des feux de foyer, mais elle ne se lassait pas de voir danser les flammes jaunes et était bien contente de pouvoir s’offrir ce petit plaisir.

Les enfants avaient été sages et étaient allés se coucher sans rechigner, comme s’ils sentaient qu’elle avait besoin de ce moment. Elle avait mis un vieux disque.  « Killing me softly » de Roberta Flack, pas la version moderne, la vieille.  Celle qu'elle avait écoutée, il y avait longtemps. Délicatement, elle avait déposé l’aiguille du système de son dont elle prenait un soin jaloux et avait fermé les yeux pour écouter le petit crépitement du disque qui se mêlait à celui des bûches qui brûlaient.

Quand la musique avait commencé, elle avait trempé délicatement les lèvres dans la  liqueur de cassis qu’elle s’était servie et avait bu lentement, l’alcool sucré et les paroles de la chanson : « Killing me softly with his song, Telling my whole life with his words Killing me softly »

Michel jouait au célibataire avec ses copains d’université.  Elle aurait peut-être dû s’inquiéter un peu, mais elle souriait en se les imaginant jouant les Don Juan avec des filles qui avaient la moitié de leur âge.   Ils avaient tous un petit ventre, un peu de calvitie, et pas assez d’argent dans leurs poches pour impressionner les « pitounes de chars qui envahissaient Montréal en même temps que le Grand Prix. Elle savait bien que le jeu serait somme toute sans conséquence, qu’au pire, Michel pourrait peut-être toucher, un sein, une fesse, les lèvres d’une inconnue,  sans plus.

Elle s’était allumé un joint avec des restes qu'elle avait trouvés dans une petite boîte dans son bureau.  Ressortir ses vieux disques lui avait rappelé l’époque où elle passait des soirées avec son band, à fumer, à discuter de la vie, de la mort, à écrire des chansons en essayant d’imiter les chanteurs des années 70 qu’ils admiraient.  Doucement, elle profitait du moment.  Elle regardait les pochettes, sortait délicatement les disques de la pellicule de plastique, les déposait sur la table tournante.  Elle était restée tard, enrobée dans ses souvenirs.

Demain, Michel reviendrait, il se coucherait en cuillère avec elle, mettrait son nez dans cou en disant « Tu sens bon! »  Ils feraient l’amour, ou peut-être pas parce qu’ils seraient trop fatigués.  Ça n’avait pas d’importance, ils s’aimaient.  Le reste importait peu.

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