Le cahier bleu (10) - Enfin arrivée

Ceci est la suite de Le cahier bleu (9) - Divagations

Gaspé, 19 août 

Assise face à la Baie de Gaspé, je sirote mon café en écoutant le bruit des vagues et le cri des mouettes. C'est mon deuxième matin ici, et déjà je me sens chez moi. 

J’ai quitté Carleton vendredi dans une brume à couper au couteau. Pendant presque 4 heures j’ai conduit avec l’impression d’aller vers le néant, vers rien, vers un grand vide. Je suis arrêtée à Percé, même le rocher se cachait timidement dans son rideau de brume. 

Quand nous sommes arrivées à la maison, le paysage était entouré de la même brume épaisse qui m'avait accompagnée sur la route.  Comme si une main réconfortante avait déposée une fine couverture sur mes épaules pour me protéger. Je suis allé faire quelques courses, puis je suis revenue à la maison. J’ai étendu des couvertures sur les divans pour ne pas que Marilou ne les salisse et j’ai fait brulé une bougie et de l’encens pour me sentir chez moi, puis je me suis assise pour relire mon cahier bleu depuis le début et verser quelques larmes.

J'ai réalisé que ce voyage, c’était comme si j’avais appuyé sur le bouton pause du film trop rapide de ma vie. À chaque courbe, à chaque montée, à chaque descente, à chaque nouveau paysage qui s’offre à mes yeux, j’efface cette vie en demi-ton dans laquelle j’étais coincée, qui n’était ni la tienne, ni la mienne.

Ce matin il fait enfin soleil.  La plage en-bas m'appelle. J'irai m'y asseoir avec un livre et mon cahier bleu. J'ai l'impression de revenir tranquillement à moi.

La suite sur Le cahier bleu (11) -Ni la mer ni la forêt, une peu des deux