Le cahier bleu (19) - Comme une envie de poutine

Ceci est la suite de Le cahier bleu (18) - Les adieux du Fou de Bassan

Mercredi le 29 août, midi

Je me suis arrêtée à Saint Nicolas juste après Québec, pour manger une poutine avant de reprendre la route. Assez pertinent comme choix de nourriture, puisque de toute façon j’ai envie de vomir.

Ça m’a pris en quittant Rimouski. Un goût amer dans ma bouche, la réalisation soudaine que j’avais été trompée, que j'étais moi aussi tombée dans le panneau de ton calme, de ta facilité,  de son calme, de sa facilité.  Tout le monde le vante. "Frédéric, c’est comme un canard, tout lui coule sur le dos". Moi aussi, j'y ai cru à Frédéric le noble, Frédéric le conciliateur.


Au fond, c’est sa façon de nous manipuler, il fait probablement la même chose avec elle. Il attend qu'on prenne les décisons à sa place en faisant pitié. Frédéric, c’est jamais sa faute, c’est pas lui qui ne peut pas vivre sa vie. C’est toujours à cause de quelque chose d’autre, son travail, ses enfants qui sont malades, le trafic sur la 20, sa femme qui aurait ben de la peine d’apprendre qu’il a continué de coucher avec son ancienne blonde malgré 10 ans de mariage et 2 enfants. Tu sais comment on appelle ça mon Fred, quelqu'un qui n'est jamais responsable? Un irresponsable.


Rendue à Montmagny, j'avais envie de vomir. Comme si en Gaspésie, tu n’étais qu’un concept, mais que maintenant que je m’approchais de ton nid, l’odeur venait me prendre au nez et je réalisais combien d’années j’avais perdues, amoureuse de l’illusion d’un homme qui n’existe pas.


J’ai souvent reproché mon malheur à sa femme, comme si c’était de sa faute à elle si je vivais sans Frédéric. Je comprends maintenant, qu'elle n’a pas plus à voir là-dedans que moi.  C’est toi le couillon qui l’a utilisée comme une chemise anti-balle pour te protéger, comme une excuse pour ne prendre de risques. Ta belle souplesse, c'est de la mollesse, de l'apathie. (Ah! ça fait du bien de te dire ces choses, et cette fois, bien que je m'étais promis de ne plus t'écrire, je ne me corrige pas!)

Je pense que c’est Michel Tremblay qui a écrit ça quelque part: "Quand tu tombe dans un étang, la seule façon de t’en sortir, c’est de te laisser couler jusqu’à toucher la vase au fond, pour pouvoir te pousser vers le haut."   Quoi de mieux qu’une grosse poutine grasse, de chez Ashton de surcroit, pour toucher le fond et remonter. Maintenant que j'ai quitté la région de Québec, ça devrait aller mieux à chaque kilomètre que je met entre toi et moi.

Ce soir je rentre chez-moi, Montréal, tu vas voir de quel bois je suis faite.


Ceci est la suite de Le cahier bleu (20) - Planter ses racines

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