Des fleurs et des oiseaux

Le bonheur est passé à côté de moi un matin cette semaine. Une petite dame pas plus haute que trois pommes mais qui me semblait pourtant avoir passé l’âge de gagner son pain, prenait le train comme tous ceux qui vont travailler. Elle était assise sur le banc avec un air de chanson vieillotte au bout des lèvres malgré ses pieds qui ne touchaient pas le sol.

Un sourire illuminait son visage, et ne semblait d’aucune manière affectée par toute cette pluie. Son gazon était vert pétant, et la terre serait parfaite pour qu’elle puisse planter ses fleurs durant le week-end.

Depuis la mort de son époux, Gérard, elle s’était mise à l’horticulture pour combler le vide laissé par l’homme qu’elle avait tant aimé. Depuis, elle recevait chaque année par la poste, des graines de fleurs au nom imprononçable qu'elle faisait germer patiemment de mars à mai dans sa salle à dîner Et quand mai arrivait, elle s'affairait à la tâche de les planter.

Dans le train, je l’ai surprise en train de feuilleter un catalogue de produits de beauté, de crèmes et parfums pour le corps. De ces babioles qui rendent une femme belle, et une vieille dame heureuse.

Le peu d’argent que lui avait laissé Gérard et son maigre salaire ne pouvaient payer tous ces luxes, mais en surveillant bien, elle arrivait à trouver des aubaines et à s’offrir son parfum préféré, « Fleur de coquelicot - Un parfum féminin et délicat», et parfois même, le vernis couleur beige et la crème anti-rides qui servaient de prétexte à prendre soin d’elle-même quelques minutes de temps à autre.

Il n’y aurait pas grand monde à part quelques passants pour remarquer la magnifique rocaille, et personne pour lui dire que « Fleur de coquelicot » donnait envie de la serrer dans ses bras et de cacher ses malheurs dans son cou parfumé.   Elle avait eu un chat, quelques années auparavant,  mais il l’avait quittée pour une autre. À son départ, elle avait installé une mangeoire à oiseaux et s’émerveillait chaque printemps du retour des geais bleus, des cardinaux, des carouges à épaulettes et plus rarement de la visite surprise d’un oriole de Baltimore.

Alors que Montréal était grise et fatiguée, avec ce qui ressemblait à un vague mal de cœur, alors, que tous avaient un air maussade avec le nez dans un journal ou les oreilles dans un Iphone, un Ipod ou un Blackberry, elle, elle souriait en balançant ses courtes jambes de petite fille, avec pour seules attentes, la beauté des fleurs et de quelques oiseaux qui lui tiendraient compagnie.

3 commentaires:

  1. Quelle drôle de hasard!...Mon beau-père est décédé il y a moins d'une semaine. Hier, petite visite pour voir belle-maman. On jase, on sourit, on pleure. Puis, petite promenade sur son terrain. Elle me montre ses rocailles. Ses fleurs, un petit baume sur sa tristesse.

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  2. Je suis certaine qu'elle porte un chapeau de paille quand il fait beau et que la lumière du soleil lui donne un petit air coquin en passant à travers les trous pour se poser sur son nez et ses pommettes!!
    Merci pour cette petite éclaircie dans cette ''mouillure'' interminable :)
    Katia

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  3. @Michèle quelle jolie coincidence! Les gens des cette génération ont beaucoup à nous enseigner.

    @Katia, et bien oui, elle porte certainement un chapeau de paille et entre se faire un thé glacé quand il fait soleil.

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