La colère

Cette histoire du docteur Turcotte m’obsède, me vire à l’envers. Plusieurs fois au cours des derniers jours, je me suis endormie en entendant un enfant crier « Non Papa! Non! » .  Le jour où on devient parent, on vit éternellement avec la crainte que quelque chose arrive à nos rejetons, avec ce que j'appelais récemment "l’insoutenable lourdeur de l’être", si éloignée à mes yeux du geste de tuer ses propres enfants.

Et puis, il y a eu l’article de Foglia; Le monstre, qui est venu me chercher en dedans.  Je me suis rappelé les 4, 5 fois dans ma vie où j’ai été en colère.  La colère voyez vous, c’est pas mon fort, je fais bien la tristesse, le chagrin, le sarcasme, le cynisme et dans mes bons jours je peux faire l’empathie, la joie et même l’euphorie aussi quelques fois. 


La colère,  c’est moins dans mes cordes.  Pourtant, les quelques fois où j’ai été blessée suffisamment pour que la colère vienne avant les larmes, j’ai toujours été étonnée de voir la violence qui m’habitait.  Il y a eu les quelques fois où j’ai frappé dans un oreiller ou dans  un mur assez pour en avoir mal au bras ou au poignet pendant quelques jours.  Il y a la fois ou j'ai "pitché" mon Blackberry à bout de bras.  Il y a eu la première cigarette fumée seule dans ma chambre, non pas pour le plaisir que cela procurait mais à cause de l’impression que j’avais que ce geste consumerait la rage que je ressentais.  Oui, je sais, j’ai la colère pathétique et pas vraiment dangereuse, mais tous ces incidents ont en commun une forme de rage et un besoin de destruction qui continuent de m'étonner.

Je sais bien que les coups frappés sur un oreiller ou un mur ne sont pas la même chose que ceux portés à un enfant qui crie d’arrêter, surtout pas ses propres enfants.  Je suis d’accord, il y a dans la rage et la violence du Docteur Turcotte une proportion qui nous laisse pantois, mais je devine aussi que cette rage et cette violence émanent du même endroit que celle qui fait crier de rage ou frapper dans les  murs, et c'est ce qui m’obsède.

Je n’ai aucune réponse; que des questions.  Je n’essaye pas d’expliquer, loin de là.  Mais je suis triste au-dedans de moi, parce que je dois regarder en face cette réalité, que je n’ai jamais voulu accepter et qui me fend le cœur. L’humain blessé  devient violent et veut détruire.  C’est parfois façon disproportionnée et criminelle, c’est parfois juste assez pour laisser des cicatrices au cœur ou un trou dans le mur, mais c’est toujours, pensant de façon erronée, que la douleur intérieure s’en ira.

5 commentaires:

  1. Quelle introspection...ça nous rejoint tous en quelquepart, cette terrible histoire. Moi aussi je déteste repenser à ces fois où j'ai crié trop fort, où j'ai agi physiquement sur quelque chose pour me défouler, où j'ai écrit puis brûlé, ou j'ai pleuré puis appelé un(e) amie(e).

    La colère existe, elle doit se vivre, elle doit s'apprendre. Mais elle s'apprivoise difficilement pour certains.

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  2. La colère n'est pas une émotion mauvaise en soi. Mais il faut apprendre à la contrôler, à la canaliser. Les colériques se défoulent, ne gardent rien en dedans, grand bien leur fasse, mais ils sont impossible à vivre pour leur entourage.

    En colère, j'ai déjà donné une tape à un enfant. Plus d'une fois en fait. J'en ai quatre et sur toutes les années de leur éducation, j'ai crié, menacé et (rarement, très rarement quand même) tapé. Une tape sur une fesse. Mais ce n'était pas le mode ordinaire d'éducation. Des débordements très occasionnels. Et je ne suis pas fière de la chose, évidemment.

    Mais je suis absolument certaine que, quelle que soit la somme de ma colère envers qui que ce soit, je n'aurais jamais pensé à m'en prendre à mes enfants. Non, il n'y a rien d'ordinaire à entrer un couteau dans le coeur de son petit garçon qui crie d'arrêter. C'est incompréhensible. Totalement.

    Je ne suis pas d'accord avec le billet de Foglia. Et ni avec vous quand vous écrivez "l'humain blessé devient violent et veut détruire." Pas nécessairement. Pas automatiquement. Il y a bien des façons de vivre un grand chagrin. La destruction n'est heureusement pas le chemin suivi par la majorité.

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  3. Peut-être que Foglia y va un peu fort mais le fond de ce qu'il dit est vrai à mon avis. Mais ce n'est pas tous les être humains qui on rencontré une colère assez intense pour les dérouter. Alors ce n'est pas la majorité des gens qui peuvent comprendre ou mesurer ce que cette colère peut provoquer.

    Je parle de celle qui est noire, violente, douloureuse à en perdre le nord et le souffle tellement elle est oppressante. Celle qui puise dans tout le bagage d'une vie son énergie destructive qui servira à apporter un soulagement de survie.

    A plus petite échelle, le coup ou le hurlement dans l'oreiller...

    Béni soit le fait qu'il y ait bien des avenues pour que cette colère s'écoule et qu'il est plutot rare qu'elle atteigne ces intensités, Mais je soupçonne la graine d'être bien là, en dormance.

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  4. La colère est bien souvent un chagrin que l'on n'arrive pas à accepter et oui, heureusement, la plupart des gens arrivent à la canaliser sans trop de dommages. Je me questionne simplement sur ce qui fait la différence entre quelqu'un qui la canalise sans trop de dommages et celui qui détruit de façon sauvage ce qu'il a de plus précieux.

    N'est-ce pas simplifier ce geste que d'accuser la folie? Ou est-ce que nous ne devrions pas tous nous questionner et apprendre de cette histoire et éviter que des drames semblables se produisent?

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  5. Je persiste et signe: je crois que Foglia a raison. Nous avons tous une fragilité qui, mise dans le contexte propice, peut nous faire disjoncter. Dieu merci, la grande majorité d'entre nous n'ira pas jusqu'au bout de sa rage. Mais je crois que dans le cas de Turcotte, c'était cela: de la rage, incontrôlable et incontrôlée. Le fait d'essayer de comprendre ne l'excuse pas, mais fera peut-être réagir ceux et celles qui sentent cette fragilité et qui, espérons-le, se donneront des outils pour éviter de se rendre au bout.

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