Guillaume et Catherine

Quand j'y suis montée ce matin, le troisième wagon à partir de la queue avait déjà ce petit air coquin de celui qui sait que quelque chose se trame et j'ai tout de suite vu.... Mais bon, commençons par le commencement, et comme vous ne connaissez pas le contexte, laissez-moi vous l'expliquer:



Catherine s’assoyait toujours dans le troisième wagon en partant de la queue. Elle était parmi les premières à monter dans le train et choisissait toujours le septième banc à partir de la porte. Sept était son chiffre chanceux et elle croyait au Destin, Elle s’assoyait du côté qui avait la vue sur le Pont Champlain et faisait des mots croisés dans un livret acheté à la pharmacie.

Guillaume faisait le sudoku du NYTimes qu’il recevait à la maison. Il s’assoyait toujours dans le troisième wagon en partant de la queue et choisissait un banc bien au centre du wagon, le septième à partir de la porte, comme ça il se laissait des options en cas d'urgence. Il préférait s’asseoir côté est, là où on avait la vue sur Montréal et ses gratte-ciels.

Le matin, il se levait tôt, lisait le NY Times. Dès qu'il avait terminé, il pliait le cahier qui contenait le sudoku, puis préparait son lunch, un sandwich au jambon, parfois au poulet, 2 bâtons de carotte, 2 bâtons de céleri, un jus de légume et une banane.

Sitôt levée, elle ouvrait la télé et écoutait les nouvelles en préparant son sandwich pita au thon parfois au poulet, sa salade de carotte et son eau minérale, et parfois, 2 ou 3 lychees pour la fantaisie. Elle s'arrêtait parfois pour regarder par la fenêtre les oiseaux qui venaient manger dans la mangeoire qu'elle avait installée.

Elle était professeur de français dans une école privée. Il était comptable pour une multinationale . Elle aimait les mots. Il aimait les chiffres. Elle lisait des romans d'amours. Il collectionnait les timbres. Elle faisait des économies pour aller à Paris. Il allait à New York, une fois par année, 3 jours.

Le week-end, elle faisait son ménage puis, mettait une petite robe de couleur pimpante et allait s’asseoir sur un banc de parc pour lire des romans d’amour. Tous les samedis, il organisait sa collection de timbres, puis allait promener Boris, son chien saucisse.

Un amour impossible de ceux qu’on ne voit plus.

Et ce que j'ai vu ce matin, alors que le soleil emplissait le troisième wagon à ras bord et qu'il y avait partout, cette énergie du printemps qui rend les yeux brillants et la démarche agile, ils étaient assis côte à côte. Catherine et Guillaume assis sur le septième banc à partir du début, mais tous les deux du côté ouest avec le vue sur le fleuve. Le côté des rêveurs… et, à chaque soubresaut du train, leurs épaules se touchaient pendant qu’ils résolvaient leur sudoku et les mots croisés chacun de leur côté.

4 commentaires:

  1. J'aime bien ta description de cette énergie printanière sur les gens..."démarche agile, yeux brillants"...

    IL est vrai que le bonheur semble plus accessible à tous en cette magnifique saison!

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  2. ohhhh que c'est beau l'amour à ses débuts ! Jolie petite histoire :-), bravo !

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  3. une tranche de vie dans les transports avec plein de belles couleurs.
    Merci

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  4. @Michèle, @Magda, @Pitro Merci pour les beaux commentaires!

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