Il visitait la grande ville

Marcel avait mis son beau coupe-vent "Ralph Lauren", celui que Mylène avait acheté pour ses 59 ans. Yvonne l'avait lavé et repassé avant leur voyage à Montréal. Il le portait avec un beau pantalon "sport" kaki. Quand il était parti ce matin, Yvonne lui avait dit qu'il avait l’air bien propre et aussi beau qu’un docteur riche.
Ils s’étaient levés en même temps que leur fille, pour lui préparer un petit-déjeuner. « Je comprends que tu travailles beaucoup, mais tu vas pas partir le ventre vide », avait dit Yvonne comme à l’époque où Mylène se levait tôt pour étudier. Marcel n’avait pas voulu prendre le même train qu’elle. « J’t’assez vieux pour me débrouiller tu-seul. Fais comme si j’étais pas là. T’as assez de choses à penser, t’as pas besoin en plus de m’endurer »

Yvonne était restée chez Mylène et passerait la journée à faire du ménage et de la popote pour sa fille. Mais lui, avait un petit pèlerinage à faire. Assis dans le train, il avait ressorti la carte de la ville qu'il révisait soigneusement. Malgré la météo qui promettait de la pluie, il voulait visiter Montréal à pied. En sortant de la gare, il prendrait la rue Mansfield jusqu'à la rue Ste-Catherine, où il tournerait à gauche et continuerait jusqu'au Forum, l’ancien, celui où Maurice Richard avait joué.  Il savait bien que les Canadiens jouaient maintenant au Centre Bell, mais à son avis, la Sainte Flanelle avait cessé d'être glorieuse le jour où elle avait laissé le Forum.

Armand, qui venait à Montréal deux fois par année, lui avait raconté qu'il y avait maintenant un cinéma là ou les Canadiens avaient laissé leur âme, mais qu'il y restait quelques-uns des bancs d'origine. Il s'y assoirait un moment pour se rappeler toutes ces «Soirées du Hockey» et toutes les joies et les déceptions que lui avaient apportées son équipe. Assis sur le banc, il se rappellerait surtout la fois où il était venu les voir jouer et qu'il avait amené sa Mylène.  Il n’avait pas eu le fils tant désiré, mais ce soir où il avait crié et pleuré avec elle, il avait compris que sa fille lui apporterait autant de joies et de fierté que ne l’aurait fait un garçon.

Il l’avait trouvée tellement belle ce matin quand elle était partie travailler. Elle avait une grosse job dans une grande compagnie financière de Montréal. Il ne comprenait pas ce qu’elle faisait dans la vie, mais à la voir dans son beau costume sable ce matin, il était convaincu qu’elle était arrivé plus loin que tout ce qu’il avait pu rêver. Il avait toujours su que la fillette avec 2 couettes, qu’il poussait sur la balançoire, « Plus haut Papa, plus fort, plus vite », irait loin dans la vie.

Il irait voir le Forum pour se rappeler l’époque où chaque victoire des Canadiens le remplissait de fierté, mais le moment le plus beau de sa journée serait celui, un peu plus tard, où il irait dîner dans un élégant restaurant du centre-ville avec celle qui était maintenant sa source de fierté. La petite bonne femme qu’il avait lui-même poussée plus haut, encore plus haut.

La suite de cette histoire sur Il vivait en ville et aimait Mylène

3 commentaires:

  1. Comme c'est beau cette description de l'amour d'un père pour sa fille...et vice-versa!

    Moi aussi je tente de donner les plus gros élans à mes enfants afin qu'ils aillent le plus haut et le plus loin possible dans la vie.

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  2. Belle histoire (ça fait sourire le coeur) , mais aussi , bel et simple exemple!
    C'est pas compliqué: faut juste y croire. Croire en ses enfants et croire en soi et ne pas passer à côté. Parce qu'après, c'est trop tard. Voilà.
    Et puis, il est heureux ce papa, elle lui rend bien ce qu'elle a reçu: une source intarrissable de joies et de fièrté.
    Katia

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  3. Michèle et Katia, j'espère que vous lirez mon nouveau texte, qui parle encore de Mylène.

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