Il vivait en ville et aimait Mylène

Cette histoire est la suite de Il visitait la grande ville


J’ai croisé Gabriel devant le fleuriste de la gare alors qu'il regardait les gerberas qui le narguaient.  Les mots de Mylène l’avaient inquiété.  Quand Mylène disait «  Il faut que je te parle » c’était obligatoirement une mauvaise nouvelle. Quand Mylène avait quelque chose à dire, elle appelait et disait « Sais-tu quoi … ?» sans même demander s’il avait le temps de lui parler. 
Quand elle disait « faut qu’on se  parle », il fallait s’attendre au pire.  Depuis qu’ils étaient ensemble, c’était arrivé deux fois.  Une première fois où elle lui avait annoncé de but en blanc qu’elle était enceinte et qu’elle se ferait avorter,  parce que ce n’était pas le bon moment et que ça nuirait à sa carrière. Une deuxième, quand elle avait décidé qu’ils devraient se laisser.  Séparation qui avait duré 6 mois et qui s’était conclue par un autre « faut que je te parle » suivi d'une réconciliation doublée de plusieurs conditions, dont celle de vivre séparément, afin que chacun puisse avoir son espace.

Son espace à lui,  c’était un petit appartement dans Le Plateau et sa vie en dehors du travail qu’il avait rempli de ses hobbies : les soirées de cartes avec les potes, les randonnées en bicyclette, et le tennis qu’il avait repris avec Marc. 

Elle était restée dans leur maison de la banlieue, parce qu’elle se fichait bien d’où elle habitait, bien qu’elle ait avoué, une fois, rêver d’une balançoire dans la cour.  Elle profitait de son « espace » pour travailler encore plus,  pour continuer de gravir les échelons d’une échelle qui semblait infinie. 

Il avait parfois songé à mettre fin à leur relation.  À chaque fois, elle l’appelait un vendredi soir et lui disait «  Sais-tu quoi? Je viens de terminer un projet, et je vais pouvoir sortir du bureau à 7hres.  Viens chez-moi, on se fait un pique-nique. »   Ils passaient alors la soirée en pyjama à manger du pain, du fromage et du salami, à boire du vin et à faire l’amour en rigolant. Elle s’endormait la tête sur son épaule avec ce sourire de petite fille qu’il aimait tant.  Il la regardait dormir en respirant l’odeur sauvage de ses cheveux bruns qui s’étalaient autour de son visage. Des fois, elle prenait congé et ils allaient à la campagne, au chalet de ses parents.  Elle se promenait pieds nus, mettait elle-même les vers sur l'hameçon et laissait ses cheveux voler au vent.

Il aurait voulu apporter un grand bouquet, avec des fleurs roses, jaunes, orangées.  Il aurait voulu les lui donner, comme autant de grands sourires qui lui diraient que la vie était simple mais que le bonheur ne s’arrête pas là où il n’est pas invité.

Je l'ai observé alors qu'il hésitait, longuement, devant les fleurs, et je l'ai vu repartir les mains vides et le dos voûté, comme quelqu'un qui n'a plus la force de se battre pour offrir le bonheur.


 La suite sur Un au revoir qui était un peu un adieu

3 commentaires:

  1. Continuer de te lire? Bien sûr ;)
    Puisque je ne te connais pas, lorsque je te lis, je suis tantôt naïve, tantôt septique, tantôt curieuse, partagée entre le fait que les histoires soient vraies ou imaginées!...

    Je suis jalouse de leur pique-nique du vendredi soir!

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  2. Michèle, tes visites et tes commentaires sont toujours un plaisir et font partie des raisons que je continue d'écrire.- J'ai aussi beaucoup de plaisir à te lire d'ailleurs. Pour ce qui est de la réalité et de la fiction, sauf dans le cas où tout mon texte est écrit au complet à la première personne, comme celui sur mes samedis matin ou celui sur la colère, mes textes sont des fictions inspirées des gens que je croise. Evidemment, la fiction vient parfois rejoindre la réalité et ici et là, on retrouve des petits détails qui proviennent de ma vie et de celle de gens que j'ai connus.

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  3. Merci des précisions ;)
    Ta réponse satisfait ma curiosité et mon intérêt!

    Lire ton blogue se fait aussi tout naturellement!

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