Un au revoir qui était un peu un adieu

Ce texte est la suite de Il vivait en ville et aimait Mylène


Elle avait accompagné ses parents jusqu’au train qui les ramenaient dans leur campagne.   Puis avait décidé de faire une folie et de s’arrêter, pour prendre le temps dans un restaurant de la gare pour boire un café au milieu des voyageurs.




Elle y était restée un long moment, hypnotisée à regarder la vie de la gare. Pour la première fois, elle observait ces vagues successives aller et venir. Les travailleurs pressés, puis les voyageurs étonnés.   Comme des millions de petites fourmis, chacune avec son objectif en tête, marchant droit devant sans s'attarder.  Il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs, et tous, contrairement à elle, semblaient savoir où ils allaient.

Elle repensa aux adieux qu’elle venait de faire  et aux choses qu’elle n’avait pas dites.  Son père qui la serrait dans ses bras, la remerciait, lui disait combien il était fier d’elle. Sa mère lui rappelant qu’il y avait des pâtés et de la sauce à spaghetti dans le frigo, lui disant qu’il fallait qu’elle mange bien et qu’elle prenne soin de son amoureux, "un si beau parti".  Et les deux répétant à l'unisson: « Prends soin de toi, tu as l’air fatiguée. Venez faire un tour au chalet, ça vous fera du bien»


Elle avait dit oui à tout, les avait remercié pour leur aide, avait serré son père dans ses bras, embrassé sa mère sur le front, et n’avait rien dit d’important.  N’avait surtout pas annoncé sa décision.   Elle ferait cela au téléphone dans quelques jours; le téléphone qui créerait la distance suffisante, pour leur annoncer ce qu'elle avait décidé de faire.  Elle avait déjà préparé les mots, elle dirait ce que son père voulait entendre, réciterait un lieu commun:  « Parce que tu sais à long-terme cela aiderait, que de nos jours dans l’industrie bancaire, il fallait développer une expérience internationale, qu’il valait mieux partir maintenant, avant que l'on coupe son poste à la prochaine restructuration. », cette explication qu'elle avait préparée pour lui et qui n'avait aucun sens mais à laquelle il se raccrocherait comme un noyé à une bouée.

Elle aurait été incapable de leur dire ça en les regardant dans les yeux, elle n’aurait pas pu affronter, leurs regards.  Son père incrédule,  les yeux pleins d'eau: « Une position avec tant d'opportunités ».  Sa mère qui tenterait d’être compréhensive, mais jouant la victime en mettant le doigt directement sur le bobo : «Je ne comprends pas, après tous les sacrifices qu'on a fait pour toi… »

Elle termina doucement son café froid, sortit de la gare à pas lents et mesurés, fut éblouie par la lumière et le ciel trop bleu, se rappela qu'elle avait oublié ses lunettes fumées, retroussa son nez pour protéger ses yeux du soleil et traversa la rue pour aller s'asseoir sur un banc d'un parc, là où les arbres formaient un magnifique abri  de verdure. Ainsi protégée par la nature, elle avait eu le courage de prendre son cellulaire avait dit " Gabriel, il faut qu'on se parle",  à la seule personne au monde qui comprendrait.

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1 commentaire:

  1. "Sa mère lui rappelant qu’il y avait des pâtés et de la sauce à spaghetti dans le frigo, lui disant qu’il fallait qu’elle mange bien..."

    Elles sont bien toutes pareilles ces mamans...on dirait que tu parles de la mienne!

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