Les rêves des autres

Ceci est la suite de Un au revoir qui était un peu un adieu

J’ai croisé le regard de cette femme dans un train de passagers, elle regardait dans le vide, l’air perplexe.   Essayant de comprendre ce qui clochait dans les au revoir qu'elle venait de faire à sa fille.  Ce n’était pas le genre de Mylène de les accompagner au train, encore moins en jeans, un mardi.  Elle l’avait trouvé fatiguée.  Sa fille avait besoin de vacances, elle travaillait trop.  Yvonne se disait, qu’elle, avec un salaire comme celui de Mylène… Mais c’était ça le problème, sa fille ne savait pas apprécier ce qu’elle avait eu dans la vie.
C’était de leur faute aussi, ils lui avaient toujours tout donné.  Depuis son plus jeune âge,  ils ne lui avaient rien refusé, cours de ballet, équipe de natation,  meilleures écoles.  Malgré leurs maigres ressources, ils avaient tout investi dans leur fille. 

Enceinte de Mylène, elle avait dû cesser ses études parce que Marcel ne voulait pas qu’elle prenne de risques.  Il était convaincu qu’elle couvait le prochain Guy Lafleur et voulait qu’elle protéger le trésor.  Durant 9 mois, elle n’avait rien fait d’autre que rester à la maison et, faire le ménage, la popote et le lavage de Marcel, évidemment.  Puis était né le fils tant attendu, qui s’était avéré être...une fille.  Le regard de reproche que lui avait fait son mari! Comme si elle en avait la faute. Il avait demandé un fils; elle n’avait pas livré la marchandise.

Et puis, petit à petit, Marcel était tombé amoureux de sa fille. Il en avait fait son petit projet personnel. Lui, qui n’avait pas terminé son secondaire, avait décidé que sa fille  aurait de l’éducation.  Yvonne, alors que le reste des femmes de la Terre s’émancipait,  avait donc fait sien le projet de son homme et avait dédié sa vie à leur unique enfant.   Durant plus de 20 ans, elle avait été parent accompagnateur aux sorties scolaires, chauffeur de taxi, cuisinière pour l’athlète et les professeurs qui avait appuyé Mylène. Encore aujourd'hui elle allait régulièrement visiter sa fille, cuisiner, faire son ménage parce que la pauvre, trop occupée par sa carrière, avait peu de temps pour des tâches aussi banales.

À 60 ans, assise dans le train qui quittait Montréal, Yvonne réalisait qu’elle était passée à côté de sa vie pour cette enfant gâtée qui avait tout ce qu’elle n’avait pas eu : la belle job, l’amoureux qui la vénérait et qu’elle négligeait, et surtout, surtout, tout l’amour et le respect de Marcel. 


Pour tout remerciement, elle n’avait reçu qu’un petit bec sur le front, et ce regard dans lequel elle devinait que sa fille n’était pas heureuse et voulait autre chose que la vie que ses parents lui avaient offerte sur un plateau d’argent.  Assise dans le train qui la ramenait chez elle, elle rageait de deviner quelle avait peut-être fait tout cela pour rien.  Et Marcel assis à côté qui jubilait de fierté paternelle...

La suite de cette histoire sur Un si beau geste d'amour

1 commentaire:

  1. oh là, là.....que c'est criant de vérité!! (sur plusieurs façades: la femme face à elle-même à son homme etc)
    Fiction ou réalité!?
    Un peu dur à avaler (je ne veuz pas penser que c'et encore une réalité d'aujourd'hui)
    C'est un petit piège, de vouloir tout donner en s'oubliant. C'est bon un peu d'égoisme (sans avoir la tête toujours dans le nombril, ça les ados savent le faire!). Et ça peut montrer l'exemple. En focusant un peu aussi sur soi, on ne se perd pas de vue et l'enfant apprend à grandir ainsi et peut aller à la recherde de ce qui le rend heureux par ses propres ailes par la suite, comme maman.
    Mais on aime donc ça les gâter!! :)
    On les aime à la folie!!
    Katia

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