Il s’est discrètement rapproché de la fenêtre quand je me suis assise sur le siège à côté de lui, mais sans regarder les petits moutons sur le fleuve que le vent faisait en chatouillant l’eau, ni la ville avec son air mystérieux enveloppé dans le smog de ce matin déjà très chaud. Son regard n’avait pas quitté le journal soigneusement plié devant lui, sur lequel il peinait à résoudre son « mots croisés ».
Du coin de l’œil, j’ai remarqué A.Z.I.M.U.T en caractères d’égale grandeur. Horizontal, Mot de 6 lettres. Direction. « Azimut », je me suis dit, « ça serait un bon mot pour le Scrabble ».
Son sac à dos, archi-fonctionnel avait des sections, pour chacun des besoin de sa journée, une pour sa tasse thermos qu'il remplit de café filtre tous les matins, une pour mettre le journal, lorsqu'il serait arrivé à destination, une petite pochette pour la carte OPUS et à l’intérieur, ses souliers en cuir qu'il mettrait en arrivant au travail, parce que évidemment, il avait aux pieds des chaussures confortables conçues pour la marche.
Vertical,7 lettres. Lame de fond: T.S.U.N.A.M.I
Il ne regardait pas le ciel bleu se réflétait dans l'eau, ni les oiseaux, ni la vie si belle qui s’offrait au regard. Concentré, il cherchait ses mots, des mots au nombre de lettres exactes pour entrer dans les petites cases, deux petits écouteurs, branchés de son Ipod à ses oreilles, pour être certain de s’entourer de la musique qu’il avait envie d’entendre.
Vertical, 4 lettres. Répétition d’un son se répercutant sur un objet, E.C.H.O.
Il avait à la ceinture, une pagette, ainsi, il pouvait être rejoint au besoin. Malgré l’insistance de ses patrons, il refusait encore d’avoir un cellulaire ou un téléphone intelligent. Ainsi, il gardait le contrôle sur le moment où il pouvait appeler, protégeait sa vie privée contre toute intrusion.
En descendant, il a sorti un savon sec d’une autre pochette de son sac et s'est lavé les mains avec soin. On n'est jamais trop prudent;Les bactéries sont partout.
Horizontal, 8 lettres. État d’une personne seule, caractère de ce qui est isolé...
Ha ben ça, ça m'a vraiment plu!!!
RépondreSupprimerY'a beaucoup de rythme et la fin est intelligente (en fait, comme le reste du texte! :) ) Il a une belle bulle bien épaisse celui-là. Ça me fait penser à une annonce qu'on voit ces derniers temps (une compagnie d'assurance je crois??)ou on voit les gens, à pieds ou en voitrue, avancer avec des cages autour d'eux
Katia
@Katia, contente que tu l'aies aimé. J'expérimentais un peu, mais j'ai eu beaucoup de plaisir à l'écrire!
RépondreSupprimerLe savon, la rigidité, les compartiments me le rendaient antipathique mais il a de beaux bons côtés: il fait des mots croisés, passe-temps intelligent et instructif, il se déplace en transport en commun, écologique, il est organisé, ce qui n'est pas en soi un défaut. Et peut-être n'est-il pas isolé du tout, peut-être ce moment dans le transport est-il le seul où il a un peu d'intimité. Sa femme l'accapare, son travail aussi. Les mots croisés en musique, dans sa bulle, l'apaisent.
RépondreSupprimer@katia. @femme libre, ique j'ai du fun quand mes lecteurs (lectrices en fait) n'arrivent pas à savoir s'ils aiment mes personnages ou non.
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