Deux Duo-Tang, un cahier Canada (1)

Cette semaine, alors que je me trouvais dans un grand magasin spécialisé en fourniture de bureau et papeterie, j'ai surpris,  près de moi cette conversation entre une mère et sa fille.

- Regarde Agathe, tu as trois choix, celui-ci en rouge flexible et de la bonne taille,  celui-ci orange de 1,0 mais rigide ou un orange, flexible mais de 1,5 po?
- Maman, c'est écrit dans la liste : "Cartable O.R.A.N.G.E,  1.0 po,  F.L.E.X.I.B.L.E."
- Tant pis, j' en achète le orange de 1.5 po, ça va faire pareil.

J'étais, moi aussi occupée à essayer de trouver les éléments de deux listes scolaires, une au primaire et une au secondaire et à tenter de résoudre la chasse au trésors annuelle à laquelle doit se soumettre au moins un parent par famille. Je lui ai souri alors que j’essayais de déchiffrer l’énigme des duo-tang avec pochettes.

- Quatre bâtons de colle pour toi et deux pour ton frère, me semble que dans mon temps, on faisait l’année avec un pot de colle Lepage.

J’ose: “ Euh… Les bâtons de colle, il y un bon deal au Costco” Elle me regarde, l'air de dire “J'ai-tu la tête de quelqu'un qui a le temps d'aller au Costco?” mais me répond poliment "Merci, pour l’information"

Elle a l'air fatiguée.  L’automne va être long.   Elle repense à sa conversation de la veille avec François.   Il avait accepté de prendre les enfants pour le long week-end, bien qu'en principe ce n'était pas la sienne.  C’est la première rentrée depuis leur séparation et ces 3 jours à elle ne seraient pas de trop.

Depuis ce matin, où, à l'aube de ses quarante ans, François s'était levé, et avait déclaré, qu'il en avait assez, qu'il voulait refaire sa vie, elle s’était montrée forte, solide dans son orgueil, elle avait ravalé ses larmes le jour  et avait accepté l'offre de  François.   Elle aurait la responsabilité des enfnts du lundi au vendredi et un week-end sur deux.  Ainsi, François aurait l'espace dont il avait besoin pour refaire sa vie.  Julie, qu’elle s’appelle la nouvelle vie.

L’été n’a pas été si mal, elle avait posé les mêmes gestes que d'habitude. L'inscription aux camps de jours,  les vacances au chalet de ses parents, puis la rentrée, de l’achat des fournitures scolaires, les étiquettes sur les cahiers, les livres, le matériel.   Un pas à la fois, mécaniquement, à refaire les gestes qu'elle avait souvent fait par le passé.

Elle disait à tout le monde que ça allait, qu'elle avait de la peine d'avoir perdu François, mais qu'elle pouvait s'occuper seule des enfants, qu'elle s'en sortirait.  Il suffisait de s'organiser et elle trouverait une façon de faire coordonner son travail avec la routine de l'école, préparer les lunchs chaque matin,  faire les devoirs,  le souper, même si, elle devait tomber, seule, épuisée dans son lit tous les soirs.

Mais là, au milieu d’une allée du « Bureau en gros »,  alors qu'elle ajoutait un cahier Canada et deux duo-tang à son panier,  ça l’avait frappé au coeur. Une douleur  plus profonde, plus insidieuse, que celle qu'elle avait ressentie durant ces nuits où elle avait pleuré la fin de son histoire d’amour.  Elle était seule, et elle devait seule, continuer de faire seule ce qu'ils faisaient avant à deux.

Alors qu'elle, se tenait à deux mains sur le panier, pour ne pas s'écrouler, parce que si elle tombait, tout y passait.

François, lui, il refaisait sa vie…

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