Une question de trop (1)

Suite de "Deux Duo-Tang, un cahier Canada (3)"

Isabelle sirote son café, un dimanche du début de l’automne. Hier encore, elle avait l’impression de porter le poids du monde sur ses épaules.  Assise devant le fleuve, avec comme bruit de fond les goélands et l’eau qui s’écoule lentement, elle se détend un peu. La pression diminue doucement, elle ne part pas et ne partira pas avant longtemps, mais ici, dans la brume du matin, elle a cessé de penser.

Dans la cuisine, Johanne s’affaire pour laisser à son amie un peu d’espace.  Elle ramasse les bouteilles de vin, les verres sales de la veille, remplit la cafetière une deuxième fois. Elle sait que son amie  aura besoin de garder les yeux ouverts pour le retour à Montréal, pour bien voir la réalité qui l’attendait.

La nuit avait été longue de confidences. Elles n’étaient pas arrivées au bout de l’abîme infini de « pourquoi » et de « j’aurais donc dû » mais savaient toutes les deux,  que c’était ce qu’Isabelle pouvait supporter pour le moment.  Elles en reparleraient encore plusieurs fois, poseraient les mêmes questions arriveraient à des conclusions différentes, arriveraient aux mêmes conclusions. C’était assez pour le moment, et ce matin, elles préféraient toutes les deux le silence.

Isabelle la forte, Isabelle le roc, venait de voir s’écrouler son univers.  Et, pour la première fois, depuis qu’elles se connaissaient, c’était Johanne qui l’avait soutenue et pas l’inverse.  Johanne lui avait offert le seul traitement qu’elle connaissait : deux jours dans la maison de ses parents au bord du fleuve.  Elle savait par expérience, qu’il y avait une force et une paix dans l’écoulement du fleuve qui venait à bout des plus grands chagrins.

En arrivant de Montréal, vendredi soir tard, Johanne lui avait simplement montré la chambre qui donnait sur le fleuve, avait laissé la fenêtre ouverte et avait laissé l’eau agir.  Ce n’est qu’en fin de soirée le samedi qu’Isabelle avait commencé à parler, à essayer de démêler les idées et les questions qui s’enchevêtraient dans son cerveau comme autant de bouts de laine qu’on aurait laissés entre les mains d’un chaton.  Et la longue nuit avait commencé par une question, une seule, qu’elle avait répété dans toutes ses déclinaisons:

«  Est-ce que j’ai bien fait de lui poser de lui poser a question?  Est-ce que la vérité est toujours nécessaire ? »

La suite sur Une question de trop (2)


2 commentaires:

  1. C'est toute une question existentielle... pour moi, oui la vérité est essentiel. Ce qu'on fait avec après c'est ça l'important.

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  2. Il semble bien paisible ce petit endroit pour aller se recueillir, avec une bonne amie. J'y partirais bien pour un weekend, avec quelques bonnes bouteilles,un pot de sauce à spaghetti, des baguettes, et une amie!

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