Mathilde au pied des grands buildings

Mathilde était aller marcher en dehors du campement. Les joueurs de tam-tams n'étaient pas là aujourd'hui; ils avaient des cours au CEGEP qu'ils ne voulaient pas manquer. Elle s'était dit qu'elle irait faire un tour, pour changer d'air en attendant.

Déjà sept jours qu'elle avait installé sa tente au pied des gratte-ciels. Là où ceux qu'elle haïssait sans les connaître, décidaient du sort du monde. Elle et Ariane étaient arrivées parmi les premières. avant les toilettes portables et la cantine, quand les "vrais" avaient monté les premières tentes. Elle avait rencontré Basile, Mohammed et Élodie. Ensemble ils avaient passé de longues soirées à refaire le monde.

Elle ne venait pas souvent dans cette partie de la ville, pourtant, ses pas l'avaient menée dans un de ses rares parcs. Tout près une grue et deux pelles mécaniques s'acharnaient à démolir un building en brique. Elle était restée, fascinée à regarder le travail des engins qui, morsure par morsure, détruisait la façade, puis l'intérieur de cet édifice qui n'était pas assez vieux pour être historique, pas assez récent pour être moderne, et n'avait pas sa place au centre-ville.

Mathilde avait sorti le petit cahier qu'elle gardait toujours avec elle et s'était mise à écrire:

Tout ces planches, ces madriers, ces briques, ces fils de cuivre, ces vitres, toutes ces histoires qu'on détruit, qu'on défigure. Pourquoi? Parce qu'il était trop petit, minable avec ses 4 étages à côté des grandes tours qui vont vers le ciel.  Et pour quoi? Peut-être pour mieux nous montrer l'église qu'il cachait, quelques fois centenaire et témoin d'une autre époque? Peut-être pour y faire un terrain de jeux où viendront les enfants? 

Peut-être que je suis naïve.

J'ai 20 ans et je me donne le droit de rêver. J'ai planté ma tente au pied des grands buildings pour dire que j'en ai assez de leur présence abusive.   Je n'ai pas de grand plan, je ne sais pas quelles sont les solutions, mais j'ai quand même l'impression d'être un petit pion dans l'échiquier de la vie.  Un simple pion, certes, mais une présence réelle capable de protéger un roi, et parfois, si les circonstances s'y prêtaient, de pouvoir mettre un adversaire en échec.   


Sous ses yeux, le building avait été réduit en un petit amas de poussière. Mathilde avait fermé son cahier et était retournée dans sa petite tente, pour faire un pied de nez aux grands, mais surtout, pour exister.  Maintenant.  Être en vie.  Exister, pendant qu'elle pouvait.  Avant qu'on ne la considère ni assez vieille pour être une ancêtre,  ni assez jeune pour être moderne.  

2 commentaires:

  1. Il m'arrive de croire que les quelques manifestants-campeurs favorisent le système en place. Les conservateurs diront: voyez, dans notre société libre et démocratique, chacun peut s'exprimer. C'est la preuve que le "système est bon!

    Accent Grave

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  2. Cette chère Mathilde a une très bonne conscience...Beau billet qui porte à réflexion...du peu de pouvoir que l'on mais de cette liberté que l'on a de pouvoir faire un peu valoir notre point de vue.

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