Un petit oiseau

Assise sur le banc du train, ses pieds ne touchaient pas le sol, elle tenait un grand sac Louis Vuitton sur ses genoux. C’est sa tante May qui lui avait offert lors de son dernier voyage, là-bas. Un faux, mais elle le portait quand même, ça lui donnait l'air sérieux. C’était sa seule babiole. Lian ne dépensait pas l’argent qu’elle gagnait en frivolités, gardant soigneusement son argent. Pour plus tard.


Pendant que ses copines assises près d’elle, rigolaient en se prenant en photo avec le Iphone de l’une d’entre elles, la jeune femme repassait la conversation qu’elle avait eue avec sa mère ce matin là.  Une autre dispute qui s’était mal terminée. En désespoir de cause, Lian avait accepté le rendez-vous organisé avec le jeune homme « parfait » que sa mère voulait qu’elle rencontre.  Le regard vers l’horizon et la bouche pincée l’air d’un petit canari, Lian ressasse la discussion qu'elle aurait voulu avoir, les mots qu’elle aurait voulu utiliser.

Elle n’avait jamais su discuter avec sa mère, ça ne faisait pas partie de leur mode de communication.    À l’école on lui avait enseigné à faire des choix, à exprimer son opinion. Au travail on la félicitait pour son jugement, pour sa capacité d’analyse et ses talents de communicatrice.  Sa mère venait d'un pays où on disait aux filles ce qu'elles devaient faire et s'attendait à ce que Lian accepte cette règle, et devant elle, petit bout de femme qu’elle dépassait pourtant d’une tête, elle se sentait minuscule et frêle.

Elle enviait ses copines si fières de leur gadget et de leur bonheur si simple. Elle aurait voulu pouvoir, comme elles, suivre le chemin qu’on leur avait tracé vers un bonheur en plastique et fibre de verre. Mais elle voulait autre chose. Seulement, elle n’arrivait pas à définir cet « autre chose ». Elle savait ce qu’elle ne voulait pas : « Je ne veux pas me marier. J'ai un travail, un bon salaire, je ne veux pas être a la maison a obéir à un homme. ». Mais ce qu’elle voulait, elle ne le savait pas.  Ne l’avait jamais su.

Elle était née ici, parlait français, avait obtenu un diplôme dans une bonne université. Elle avait tous les outils, avait appris à voler. Pourtant devant la porte de la cage ouverte, elle restait figée comme un oiseau de compagnie dressé à rester sur son perchoir.

2 commentaires:

  1. Pauvre fille tiraillée entre deux mondes. Entre ce qu'elle oserait faire et ce qu'elle ne fait pas...Pas de raison d'envier ses copines et leur bonheur "artificiel"...La plus heureuse sera sans doute elle, lorsqu'elle s'affirmera.

    Dans un autre ordre d'idées, j'ai eu peur ce matin car en cliquant sur ton site dans mes favoris, on m'affichait et ce, à plusieurs reprises: Firefox ne peut trouver la page. J'avais peur que tu aies fermé ton blogue sans avertir...comme cela semble être la tendance pour quelques-uns ces semaines-ci. Heureusement, je crois que c'était juste un mauvais timing, tu devais être en train de pondre ce joli billet, ou en train de commenter le mien ;)

    Fiou!!!!

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  2. @Michèle, ça explique la série de clic en quelques minutes sur mes stats de visiteurs. Ça explique peut-être aussi pourquoi je n'ai pas eu de visiteurs ces derniers jours, je commençais à m'inquiéter...
    Espérons en effet que Lian s'affirmera, mais je me questionne quand même sur l'avenir de ces milliers de petits oiseaux qui comme elle, sont tiraillés entre la culture de leur parents et la leur.

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