Rue Sainte Catherine, 29 décembre

Père Noël,

Il faisait vraiment froid cet après-midi.  Pourtant, la rue Sainte Catherine était noire de monde. J'ai marché longtemps.  De Ogilvy jusqu'au La Baie en regardant chacune des vitrines sans entrer nulle part.

Partout des gens avec leur grands manteaux, des touristes se prenant en photo, riant de leur souffle qui gelait en sortant de leur narines.  Ils entraient dans les boutiques et les restaurants pour se réchauffer et ressortaient parlant fort et avec les bras pleins de sacs.  J'ai aussi vu un sans-abri avec des couvertures par dessus son vieux manteau qui secouait  une tasse en carton avec quelques pièces dedans.  J'ai pas osé donner d'argent, mais ça m'a donné des frisson.   Je suis entrée dans un café, pour me réchauffer et boire un chocolat chaud.

J'ai eu envie de vous faire une longue liste de cadeaux comme quand j'étais petite: une belle robe bleue avec des souliers à talons hauts noirs et des bas de soie, un parfum qui sent la rose,  un des ces nouveaux appareils pour faire le café, vous savez, de ceux où on ne fait que mettre un petit gobelet en plastique avec la saveur de café qu'on veut.

J'ai pas été sage toute l'année,  mais j'ai fait bien des efforts ces derniers mois.  Pas une goutte d'alcool depuis 8 semaines.  La soirée de Noël a été difficile, mais on était toutes ensemble les filles du Centre.  On a pleuré, on a ri, et on est passées au travers.  Une chance qu'elles sont là.

Je m'attendais pas à avoir de cadeaux. Finalement, j'ai eue une belle surprise. Evelyne la travailleuse sociale est venue nous porter des petits cadeaux.  Moi j'ai eu un beau savon et une crème pour le corps qui sentent la pêche.  Elle avait même apporté une boîte de biscuits avec des cristaux de sucre rouge et vert, qu'on a mangés avec des grands verres de lait. C'était un beau Noël.

S'il est pas trop tard, j'aimerais surtout un cadeau pour Mathieu.  Avec les vitrines partout qui sont remplies de stickers qui disent que tout est à 50%, 70%, je me suis dit que vous pourriez peut-être pardonner mon retard.  Me semble qu'il aimerait ça avoir un jeu électronique ou un ordinateur. Des vêtements aussi.  Dans une vitrine, j'ai vu un mannequin avec une belle chemise blanche et un pantalon en velours cordés kaki.  Peut-être aussi un gilet de laine.  Il est frileux mon Mathieu.

Père Noël, je suis pas folle, je sais que vous existez pas.  C'est juste que j'ai besoin d'un miracle. Demain, je vais rejoindre Mathieu dans sa famille d'accueil et je vais pouvoir rester avec lui tout l'après-midi. J'avais quinze piastres pour acheter un cadeau pour Mathieu, et je viens d'en dépenser cinq pour un café.  Dix piastres,  c'est pas beaucoup prouver à mon ti-gars que je l'aime et que j'aimerais ça que dans une couple de mois il vienne vivre avec moi.

Père Noël, j'ai besoin d'un miracle.  La robe bleue, c'est pas nécessaire.  De toute façon, je n'aurais pas d'occasion de la porter. Mais si vous pouviez m'aider pour Mathieu...


4 commentaires:

  1. Réalité de bien des mamans...
    C'est triste mais si réel. Je travaille parfois avec des enfants de parents comme ça...Ils font beaucoup avec très peu ces gens.

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  2. Tu écris tellement bien, j'en ai des frissons. Et des larmes aux yeux. Si je pouvais, je les prendrais toutes avec moi, les mamans de Mathieu...

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  3. @Michèle et je ne doute pas que tu apportes beaucoup dans leur vie.

    @MJ Un jour, on trouvera bien une façon de les aider les mamans de Mathieu.

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  4. Ouf!
    J'aimerais être le père Noël, là, maintenant.

    Regarde comme le bonheur peut être simple... un savon à la pêche et des biscuits avec des cristaux ont fait ton bonheur.

    10$ c'est suffisant pour trouver un cadeau qui avec ta présence, ton amour sera d'une valeur inestimable. Tu peux y ajouter un mot, une carte... ça aussi ça rend heureux.

    Mathieu a de la chance de t'avoir pour maman.

    Que 2012 t'apporte plein de douceur, d'amour et d'instants de bonheur.

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