Le droit de vivre sa vie....

Le verdict vient de tomber suite au procès des Shafia:  trois coupables de meurtre au 1er degré.  Et moi, à qui on reproche souvent de vouloir prendre la défense de n’importe qui, de parfois vouloir défendre l’indéfendable, et bien cette fois, je suis bien contente de cette décision.

Depuis le jour il y a deux ans, où j’ai lu pour la première fois l’histoire de ces quatre femmes trouvées mortes au fond d’un canal près de Kingston, je ne cesse de me questionner sur cet incident, et sur les circonstances qui ont fait qu’un drame pareil puisse arriver à des gens qui vivaient ici, au Québec, et me demander comment on a pu laisser arriver un malheur si grand. 

J’ai cru un moment que l’histoire serait simple, que tout le mal serait d’un côté : un père enfermant ses filles dans sa culture et sa religion, le manque d’éducation et de contact avec l’extérieur, l’absence de choix.  Mais ce que  nous avons appris durant le procès est immensément plus triste, que seulement le crime d’honneur.  

Ce qui est aussi ressorti c’est que ces quatre femmes connaissaient leurs droits, et les recours auxquelles elle avaient accès.  Elles avaient appelé à l’aide, à la DPJ, à un centre pour femmes battues, auprès de professeurs et aucun n’a pas pu les aider.  Quatre femmes malheureuses qui ont mis leur confiance dans notre système, qu’on leur avait probablement présenté comme juste et libre, quatre femmes qui ont voulu déployer leurs ailes et qu’on a quand même retrouvées mortes.

Trois jeunes filles qui voulaient être comme les filles de leur âge, qui voulaient se prévaloir du droit d’exister, du droit d’être, sans devoir porter  le passé de leur père et une femme adulte forcée de vivre sa vie en cachant son passé en prétendant être une cousine de l’homme qu’elle avait épousé. 

Quatre femmes qui voulaient simplement avoir le droit de vivre leur vie, dans le respect des droits et des libertés du pays qu’un de leurs meurtriers avait justement choisi à leur place. Quatre femmes qui vivaient comme des citoyens de seconde classe dans leur propre famille à un point tel que leur vie valait moins que l’honneur de la famille.

Cette histoire est sordide, de celles qui marqueront notre histoire pendant longtemps, et qui ne se reproduiront, je l'espère, jamais.  Ces quatre femmes ne reviendront pas, mais je souhaite que ce verdict, nous amène à nous questionner comme société sur ce que nous pouvons faire pour protéger les Sahar, Cainab, Geeti et Rona qui vivent avec nous, plutôt que de nous demander si leur voile nous dérange ou non.

J’espère aussi que nous allons tous nous questionner individuellement, au poids que nous mettons aux ailes des gens et aux choix que nous faisons à leur place, pour protéger une image, pour garder les apparences. Il y a le crime passible de prison à vie et il y a parfois les petits crimes quotidiens, qui ne seront jamais punis.  Espérons que ce crime excessivement grave, nous fasse réfléchir aux plus petits dont nous sommes tous coupables de temps à autre. 

6 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce billet. Surtout la conclusion qui y est tirée à la toute fin "aux plus petits crimes"...Nous en vivons à chaque jour, je crois, enfin, ça peut être bien insidieux le fait de ne pas pouvoir vivre sa vie...

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    1. Patty, En effet, je crains que ce sois facile maintenant que les 3 sont jugés coupables, de lancer la première pierre, croire que nous ne faisons jamais ce genre de choses. Je me dis qu'il faut aussi profiter de l'occasion pour oser se regarder en face. Merci de ton commentaire.

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  2. Je ne sais pas trop quoi penser. Je commentais chez une copine "On a puni. Saura-t-on prévenir? Grave et grande question. Dans un contexte multiculturel, sait-on reconnaitre la différence entre le respect, l'ouverture et le cri d'alarme? Doit-on tout mesurer à nos propres valeurs ou tout critiquer parce que différent de nous? Elle est mince,la ligne, parfois."
    Le système a failli. Pas pour des raisons culturelles. Au final, 4 femmes sont mortes.

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  3. C'est un très bon point et une très belle réflexion que tu nous amènes à faire Quelquepart, je t'en remercie et j'espère que ça fera son bout de chemin chez plusieurs.

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  4. Je suis contente aussi du verdict. J'avais peur que par une tournure twisrée de l'utilisation de la justice, on trouve un moyen d'adoucir d'amoindrir de minimiser la montruosité de cet acte. C'est innomable.
    Merci pour ton billet j'aime quand tu nous fait réfléchir à travers tes propres réflexfions.
    J'aime la justesse de ton jugement.
    Katia

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  5. Bien écrit. Je pense la même chose. Rien à rajouter.

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