Des pizzas, du canard et des tulipes

Dans l’allée du supermarché, j’ai croisé cette belle blonde bouclée avec les joues roses d’une adolescente émue. Pourtant les bâtonnets de fromage, les pizzas congelées. les boîtes de punch aux fruits et les quelques rides au coin de ses yeux, laissaient deviner que Valérie avait passé l’âge des émois, et que déjà elle nourrissait dans son sous-sol un, peut-être 2 adolescents en croissance.


Samedi elle avait fait des crêpes, avait reconduit Hugo son fils à une pratique de soccer, était allée acheter de nouveaux vêtements avec Élodie, sa fille qui n’arrêtait pas de grandir. Dimanche, elle s’était levée tôt, pour aller courir puis avait fait le grand ménage de la maison. À six heures du soir, les robinets de la salle de bain luiraient comme des sous neufs, un repas mijoterait au four et elle aurait étendu 3 brassées de lavage dehors profitant du soleil et du vent.

Elle aurait même réussi à ne pas se sentir coupable, à ne pas se dire qu’elle aurait dû faire quelque chose de plus excitant avec les enfants qui partiraient lundi soir pour leur semaine chez leur père. À les voir concentrés sur l’ordinateur et les jeux vidéos, elle se disait que finalement, ils avaient la vie normale des jeunes de leur âge.

Demain, lundi. Et elle avait des papillons dans l’estomac. Il s’appelait Étienne. Un grand brun avec des yeux doux de chevreuil, qui travaillait tard comme elle. Étienne qui touchait ses doigts du bout des siens en la regardant dans les yeux.

Elle avait ajouté des cuisses de canard confit dans son panier. On ne sait jamais. Elle s’était prise à rêver, peut-être qu’elle oserait l’inviter à souper à la maison, un soir. Il toucherait sa main, du bout des doigts, et elle le laisserait faire jusqu’à sentir ses longs doigts ailleurs sur sa peau, qui avait si soif. Elle avait frissonné dans l’allée, un peu gênée des images venues à ses yeux.

C’était la faute des étudiants aussi, à les voir dans les rues, elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler de sa jeunesse, des grandes discussions existentielles de l’époque, de ses rêves, aussi. Elle avait souri, elle n’arrivait pas à y croire, Étienne lui paraissait si jeune. Il n’avait que 6 ans de moins qu’elle. Pourtant, lui venait à peine de terminer sa maîtrise, elle, avait deux enfants de 12 et 14 ans, et toute une vie déjà.

La première fois qu’il avait mis son doigt délicat sur ses lèvres, c’était pour éteindre ces paroles, il avait dit doucement « Mais non, je ne suis pas plus jeune que toi, on a le même âge. Toi et moi, on est au début de notre vie. »

Elle l’avait cru, elle le croyait, elle se trouvait belle, avec lui. Elle avait cueilli au passage un bouquet de tulipes jaunes. Elle terminait un week-end qui ressemblait à 100 000 autres week-ends, plein de sa petite routine habituelle, et pourtant, ce week-end-ci était unique. Il était plein, plein de ce lundi qui viendrait, demain, avec Étienne, et la vie qui pouvait recommencer à battre.

3 commentaires:

  1. Je l'envie cette chanceuse d'avoir des étincelles amoureuses en ce lundi !!!!

    Merci pour cette belle lecture, qui démarre bien une nouvelle semaine. Bonne semaine à toi ma chère!

    RépondreSupprimer
  2. Du bonheur pur en ce lundi ensoleillé... merci :)

    RépondreSupprimer
  3. ¨¨Toujours moi¨¨¨30 avril 2012 à 15:12

    Sophie, c'est tellement touchant et tellement ressemblant!

    RépondreSupprimer