La fuite

Élise avait fait sa valise.  Elle s’était regardée une dernière fois dans le miroir. Dans ce miroir où elle s’était observée si souvent, qu’il semblait criblé de taches noires aux endroits où elle avait trop posé les yeux.   Elle avait pris ses choses et était partie.  Partie, parce c’est ce qu’elle avait décidé, parce qu’elle était convaincue que la fuite était la seule option.


Elle avait fait le reste machinalement, comme si quelque chose au-dessus de ses forces, l’avait empoignée et l’avait poussée jusqu’à la gare.  Jusqu’à cet instant où elle s’était retrouvée en file avec les autres, à attendre le train, une valise de carton à ses pieds.

18h33  L’embarquement dans quelques minutes. Dans le  film de l’histoire de sa vie, qui jouait dans sa tête, ce moment serait grandiose et plein d’une musique sacrée.  Pourtant il n’en était rien.  Debout en file, elle était un passager banal comme tant d’autres, attendant de monter dans un train.

En cet instant précis, la vie n’avait de sens que cette fuite.  Cette fuite qu’elle n’arrivait pas à s’expliquer, bien qu’elle était certaine que viendrait un jour où elle pourrait dire « J’ai fait des choix, parce que la fin justifie les moyens. »  Le contrôleur avait pris son billet, lui avait indiqué la direction du wagon, sans la regarder,  Sans sembler comprendre l’importance de cet instant dans sa vie.  Comment pourrait-il savoir que cet instant était un point de non retour, que pour Élise, il y aurait toujours l'avant et l'après cet instant?

Élise s’était dirigée vers l’endroit indiqué, les yeux au sol, en évitant de regarder la fenêtre où se reflétait la lumière.  Avant d’entrer dans le train, Elle s’était retournée, espérant pour un moment, qu’elle verrait quelqu’un, les yeux pleins d’eau faire un geste pour la retenir,  mais  il n’y avait rien qu’un homme grisonnant, pressé d’aller s’asseoir qui l’avait poussé vers l’avant.

Elle avait pris sa place, près de la fenêtre, et l'appareil s'était mis en branle.  En sortant de la gare, le wagon avait été dans l’ombre un moment.  C'est à ce moment qu'elle l'avait vue, là dans la vitre sur laquelle elle avait appuyée sa joue.  Là sous ses yeux, la même image que dans son miroir criblé de taches noires.  La femme qu’elle fuyait.  Celle qui avait peur et qui doutait.  Elle, et toutes les craintes qu’elle portait.  Elle-même, Élise Desmarais.  Et elle venait de comprendre que la fuite était en fait une poursuite qui ne pourrait que se terminer par un duel à mort.


La suite sur Un soir d'été à St-Quelquechose

4 commentaires:

  1. Comme j'ai hâte de connaitre la suite de cette histoire....

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    1. Il n'y avait pas de suite prévue... mais je vais y penser.

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  2. Il y a tellement de potentiel dans ce personnage que tu nous présentes, j'ai envie de la connaître un peu plus...

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  3. C'est fort, la dernière phrase me donne des frissons.

    Sandra

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