Une maison de verre (1)

Suzie avait déplié 3 serviettes sur le sol. Il faisait une chaleur insupportable depuis plusieurs jours, comme elle, je profitais de la fraîcheur de la piscine municipale. Assise à ses côtés, je l’observais. À première vue, ses gestes paraissaient calmes et posés. Elle avait délicatement enduit les enfants de crème solaire, en caressant leurs joues et leurs petits ventres rebondis. Les enfants y avaient cru et s’étaient élancés dans la piscine en gambadant joyeusement. Malgré cela, j’avais remarqué le mouvement de ses épaules qui se soulevaient au rythme de sa respiration accélérée.

Elle s’était assise sur la serviette du centre, une serviette rose et bleue avec des images de poissons et d'algues, et y avait lentement essuyé ses mains moites. Elle avait sorti une revue de son sac de plage et avait tenté de regarder, les pages qu'elle tournait à une vitesse folle, au rythme de sa colère qui sortait finalement, qui montait de son plexus solaire, à ses joues qui de pâles étaient passées à rouge foncé.

C’était toujours la même histoire. À chaque appel de Martine, elle se disait qu'elle ne se ferait pas avoir, que ça irait qu'elles auraient une conversation normale. Elle était la femme de son frère, après tout. La famille, c’est ce qu’il y avait de plus important. Son frère, comme bien des hommes parlait peu. Les échanges familiaux se faisaient entre belles-sœurs.
- C’est à 4 heures tappant dimanche, chez ta mère, vous allez apporter les bouchées? Sont assez bonnes.
- Ben, oui, ça nous fait plaisir. Luc est au restaurant tous les jours de ce temps-ci, il va s’arranger pour travailler seulement pour le petit-déjeuner ce matin-là et va rapporter les bouchées.
Après chaque appel, elle restait avec comme un goût amer dans la bouche, avec une vague impression de malaise, qui grandissait durant des heures.
- Ça t’inquiète pas que Luc passe ses journées au restaurant.

- Ben non, ça a toujours été son rêve avoir un restaurant. C’est sûr qu’au début, il faut travailler fort. 
- J’ai su que la petite Mackenzie travaille comme serveuse. Un belle fille ça, pi brillante à part ça. Elle fait des études en droit.
Suzie s’était embourbée, essayant tant bien que mal d’expliquer, de justifier, et avait fini par donner des réponses maladroite, qui ne faisait qu'alimenter la médisance de l'autre.
- Ça aide pour les affaires avoir des employés qui paraissent bien, ça fait partie des règles du jeu. 
- Vraiment je t’admire. toi toute seule à la maison avec les enfants, pas le temps de prendre soin de toi, pi ton mari au restaurant avec des jeunes et belles serveuses.
- Je me suis inscrite au yoga cet automne, pi je recommence à travailler, c'est un travail d'équipe, c'est le deal qu'on a Luc et moi. 
Un des enfants s'était approché, "Maman, j'ai faim".  Elle avait fouillé dans le sac de plage, pour la forme, sachant bien qu'elle était sortie en courant, n'avait pas pris à manger.
- J'ai rien apporté.  Va falloir que tu attendes qu'on rentre à la maison.  Je peux pas toujours régler tout vos problèmes, je suis tannée que vous me preniez pour votre bonne à tout faire.
Le petit était reparti penaud, sans demander son change, étonné du ton de voix de sa mère mais comprenant qu'il était mieux pour lui de ne pas insister.

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