Comment je fais pour être heureuse

Vous qui me lisez, savez que je parle beaucoup de bonheur, de sa quête, de son atteinte, des faux et des vrais bonheurs.   Vous aurez deviné que c’est parce que c’est important pour moi et que j’y travaille fort.  J’ai parfois l’impression que les gens de mon entourage croient que je suis faite de caoutchouc, que rien ne m’atteint, que j’ai le « bonheur facile ».  Vous aussi qui me lisez, me faites souvent des commentaires sur les billets personnels que j’écris, vantant mon attitude face à la vie, ma sérénité  et ma sagesse.

À vous, je peux l’avouer, il m’arrive souvent, dans la pénombre de ma chambre à coucher, seule ou  la tête sur l’épaule de mon Homme, de me plaindre de certaines injustices, de regretter, d’avoir peur devant l'inconnu et parfois aussi, de verser quelques larmes.  Malgré tout, je me lève le matin, solide de nouveau, prête à tenir la promesse que je me suis faite il y a plusieurs années, celle d’être heureuse peu importe ce que la vie me réservait.

C'était alors que  j’étais étudiante. J’ai fait un voyage de coopération au Mali en Afrique. Un soir, dans un village à quelques kilomètres de Bamako où j’étais seule avec une autre québécoise, nous avons convenu avec les villageois, de faire un festin improvisé.  Il faut comprendre ici, que par festin j’entends une des rares chèvres du village, tuée sur le sol en terre battue au milieu des mouches, une casserole de pâtes trop cuites sur un réchaud au charbon agrémentées de lait en poudre et du contenu d’un pot d’olives vertes et ce plat que nous avions tout les jours, une bouillie de millet avec une sauce brune infecte, dont je n’ai jamais pu définir le contenu.  Pourtant, pour plusieurs personnes du village, ce repas était un des meilleurs qu'ils mangeraient pour plusieurs jours.

 Après le repas, les jeunes ont sorti les tam-tams,  en ont réchauffé les peaux en faisant brûler de la paille dont les flammes créaient de longues ombres irréelles derrière eux et ont commencé à jouer.  Tous se sont mis à danser en souriant sous le ciel étoilé.  À les regarder être heureux, profiter du moment présent, malgré la faim, malgré les doigts de leurs mains tellement usés par le travail manuel qu’ils ne pouvaient fermer le poing, alors que ce qu’ils avaient et que ce qu’il pouvaient espérer du futur et de la récolte à venir était minuscule en comparaison de ce qui m’attendait moi, dans mon occident facile,  j’ai compris, que je n’avais aucune raison, de ne pas être heureuse, et, ce jour-là, je me suis promis que je le serais.

Il y a des matins, où j’ai envie de me plaindre, pour toutes sortes de raisons que je n’étalerai pas ici.  Ces matins-là, je prends quelques minutes pour moi, je médite, je vais courir, je sirote longuement mon café en regardant l'érable de ma cour.  Je fais le bilan de ce que j’ai, plutôt que de ce que je n’ai pas. J'essaie d'aider des gens qui sont moins chanceux que moi, je vais donner du temps dans un centre pour femmes sans-abris,  je prête à des entrepreneurs dans des pays sous-développés via le micro-crédit, j'essaie de faire au moins un acte de générosité gratuit par jour.  

Je pense aux femmes qui ont traversé ma vie, qui ont vécu des moments difficiles, immensément plus difficiles que les miens, celles-là qui ont été là pour moi, parfois même sans le savoir et je relève la tête et je regarde devant moi, et je me dis que j’ai tout pour être heureuse.  

Et je souris, de mon bonheur.

5 commentaires:

  1. ¨¨Toujours moi¨¨3 août 2012 à 12:05

    En plus d'être ce que tu t'es façonnée, tu as des gênes de ta marraine que je reconnais tellement. Les gênes nous aident, le reste n'en tient qu'à nous. Continue d'être comme tu es.

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  2. Quel texte inspirant! Je suis vraiment d'accord avec toi... Le bonheur, ça se travaille. On me dit aussi que j'ai le bonheur facile, mais il me vient plus facilement aujourd'hui parce que j'y ai mis tant d'effort!

    Ton histoire au Mali est très inspirante et révélatrice... Tu pourrais en inclure des bouts dans tes histoires...

    Et j'aime beaucoup quand tu parles de toi ici!

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  3. Je renchéris. Tu es inspirante. Je me sens un peu silencieuse face à un texte comme celui-là...

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  4. Merci de vos commentaires. C'est toujours difficile de parler de moi, je garde une certaine pudeur. Mais récemment j'ai eu plus envie de le faire. Je ne sais pas trop ce qui m'y pousse. Peut-être parce que je pose des gestes concrets pour améliorer ma vie dans certains domaines et qu'à cause de cela certains irritants paraissent plus flagrants dans d'autres. En tout cas, merci de me lire, merci de venir commenter, ça m'encourage à continuer.Et oui, Nathalie, j'aimerais bien mettre un peu de mon expérience au Mali dans mes histoires. J'y songe.

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  5. Inspirant ce billet, l'image de ces gens heureux. Et de nous, qui cherchons toujours le bonheur un peu trop loin.

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