Odile, un dimanche de pluie.

Elle s’appelait Odile. On la voyait à peine passer. Elle marchait toujours sur la pointe des pieds. Parfois, on aurait dit qu’elle ne touchait pas le sol. Légère, pressée, jamais vraiment présente, elle allait quelque part sans jamais vraiment être là où elle était. Pourtant, elle était lumineuse et blonde, et si belle avec ses cheveux coupés courts pour être facilement coiffés, facilement arrangés, rapidement placés.

Et puis, un dimanche de pluie, elle s’était arrêtée.


Elle était entrée dans un café et il était là. Il s’appelait Raphael, mais ça, elle l’avait appris plus tard. Il avait de longs cheveux bruns qu’il laissait pousser parce que sa vie était trop pleine pour perdre son temps chez le coiffeur. Il avait toujours l’air d’avoir une guitare avec lui, même quand il n’en avait pas.

Ce jour-là, il était assis près de la fenêtre, lisant un journal. Un journal de papier, dont il tournait les pages tranquillement comme si ses pensées restaient collées un moment sur la page qu’il venait de terminer. D’habitude, Odile serait entrée rapidement, aurait demandé un thé qu’elle aurait payé puis bu, sans le goûter. Elle serait repartie, vers ailleurs, pressée.

Mais quelque chose avait attiré son attention. Était-ce la lumière qui semblait traverser les boucles brunes de Raphael malgré le ciel gris au dehors, le seul fauteuil vide du café juste à côté de lui ou la serveuse qui avait dit en pesant ses mots. « Passez une bonne journée, Madame. » ? Elle n’en savait rien, mais elle s’était assise. Elle avait pris une gorgée, et, toute étonnée, avait dit à voix haute : « C’est donc ben bon, ce thé-là ».

Sans qu’elle ne sache comment, ils s’étaient mis à parler. De tout. De rien. De vie, de villages, de vilains, de voyages, de paysages et de pays, d’états, d’Etats-Unis, d’états de santé, de système de santé, de prison, de poison, de poisson, et de Léo, le poisson rouge de Raphael.

Ils étaient sortis en se tenant la main. Dehors, elle avait frissonné ; il l’avait pris par l’épaule. Elle s’était penchée, lentement vers sa poitrine, les pieds, bien ancrés au sol. Ils étaient allés chez-lui. Elle avait nourri Léo, il avait préparé une soupe de légumes, qu’ils avaient mangée en riant.

Ce soir-là, ils avaient fait l’amour et s’étaient endormis, leurs pieds enlacés comme des racines qui s’enfoncent dans la terre.

1 commentaire:

  1. Une très jolie histoire... Comme quoi il faut être présent à notre vie!

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