Deux choix.


Annie était sortie du bureau en courant, réalisant qu’il était presque 6hres.  Il était tombé de la merde toute la journée.  Ce mélange entre eau et neige qui s’était transformé en slush dans laquelle les enfants avaient probablement pataugé allègrement.  Sur le pont, les voitures étaient presqu’immobiles.   Il y avait un accident, elle voyait au loin les gyrophare de la police.  Elle avait levé les yeux.  Devant ses yeux se dressait l'affiche qui offrait deux choix.

Tout droit,  il avait la maison, l’odeur des bas mouillés, enlevés et laissés en tas près de la porte,  la flaque d’eau entourant les habits de neige jetés négligemment, dans laquelle elle déposerait le pied.  La course souper-devoirs et puis vers 8 :30 quand elle s’assoirait enfin pour se reposer  l’appel passif-agressif  de sa mère lui rappelant qu’elle n’était pas passée la voir. « Je n’ai pas besoin d’aide, tu le sais, je suis capable de m’organiser.  Je l’sais bien que ton ex t’aide pas plus qui faut avec les enfants, mais t’sais après tout ce que j’ai fait pour toi, me semble que je devrais pouvoir compter sur ton aide. »

À droite, l’affiche offrait une autre option.  Une grosse flèche indiquant la sortie, disait en lettres blanches qui paraissaient illuminées  « Interstate 87, New York » .  Il suffisait de tourner légèrement le volant et de laisser la voiture faire le reste.  À droite, elle pouvait rêver.

La voiture avait penché doucement, comme l’eau qui coule et suit le lit de la rivière.  New York, elle en rêvait depuis longtemps.  Elle avait mis quelques sous de côté, pour les urgences, pour le cas où sa mère tomberait malade et qu’il faudrait une infirmière, ou qu’un voyage scolaire soit organisé et qu’elle puisse l’offrir à un de ses enfants sans être obligée de vendre les tablettes de chocolats à tout le monde au bureau.Quoique.  Ça serait bien la moindre des choses qu’ils la remercient pour le travail qu’elle faisait. 

Aujourd’hui elle avait eu l’impression que tout le monde avait déposé ses problèmes sur son bureau,  comme s’ils étaient tous enragés, pressés d’en finir avec ses dossiers, avant de partir en ski pour les vacances.  Soudainement, tout le monde avait semblé convaincu qu’elle pouvait faire le travail de n’importe qui à l’agence, du président, au dernier commis. Ça serait bien la moindre des choses qu’ils achètent une couple de tablettes de chocolat pour la remercier.

La voiture semblait s’être mise en pilote automatique, et suivait docilement l’affiche qui l’appelait.   «Interstate 87, New York ».   Annie ne pensait pas ; c’est sa petite Toyota rouge qui décidait à sa place.  « Je me demande s’il tombe de la slush à NY » s’était-elle demandé simplement.  Diane y vivait depuis 5ans.  Elle pourrait l’appeler en arrivant.  Ça faisait si longtemps.  C’est sûr qu’elle l’hébergerait.

Et puis soudain, à la radio, une chanson de Noël.  Une de celle qu’elle écoutait enfant.  La réalité l’avait frappée en plein cœur.  Les derniers cadeaux qu’il fallait emballer, la dinde qu’il fallait acheter, les enfants qui l’attendaient couchés par terre à regarder les lumières du sapin,  Le Noël de ses enfants, le bonheur qu’elle essayait de leur offrir.

Elle avait donné un coup de volant, pris la sortie devant elle.  Dans le stationnement d’une station-service elle avait pleuré à chaudes larmes, puis avait séché ses yeux et était rentrée.  À la maison, l’attendaient deux enfants qui se plaindraient de la faim, mais qui, elle l’espérait, comprendrait peut-être, un jour.

1 commentaire:

  1. Combien de personnes ont des rêves comme Annie et se laissent aller dans la routine...
    Ça porte à réflexion, car je me retrouve un peu là dedans disons!

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