Il faisait des listes


Le chien, habitué au rythme de l'homme, faisait rapidement sa besogne de chien. Il reniflait le sol, le bord d’un poteau, les traces du livreur de journaux passé une peu plus tôt, sans perdre de temps.  Robert tout en marchant d’un pas décidé, faisait des listes, machinalement.  « Aller à la quincaillerie, acheter des graines et de la terre pour les semences pour planter à l’intérieur en attendant le printemps, sortir les pots en terre, nettoyer les outils… »

Il aimait ce moment passé à marcher rapidement dans la lumière douce du matin.  C’était la seule habitude qu’il avait conservée du temps  où il travaillait.  À cette époque, les listes ressemblaient plus à « Embaucher un nouveau vice-président, revoir les états financiers du 3ème trimestre,  tenir une réunion du conseil, demander à Nicole de réserver au Ritz à Shanghai le mois prochain. », mais le rythme était le même.  C’était idiot,  il n’avait plus besoin d’aller nulle part, mais il ne pouvait s’empêcher de marcher d'un pas décidé.


Il savait que Lucette dormirait encore quand il rentrerait.  Il préparerait le café et mettrait la table.  Avant, c’était Lucette qui faisait ça, mais il avait pris ces tâches au moment de sa retraite.   Il aimait ce moment de calme dans la maison, ouvrait la radio, écoutait les émissions du matin, souriait en entendant les conditions routières, la météo qui s’annonçait, les histoires de corruption, les commentateurs qui s'en pourléchaient les babines, se disant qu’il ne serait pas obligé de conduire dans ce stress.

Boss s’était secoué en entrant dans la maison, puis était allé s’étendre sur le fauteuil du salon.  Ils avaient essayé au début de ne pas laisser l’animal prendre de mauvaises habitudes, Lucette disait « Il va laisser des poils partout ». Les enfants l’avaient laissé monter en cachette au début et finalement avec le temps, tous, même Lucette s’étaient laissés allés au plaisir d’écouter la télévision, roulés en boule au chaud avec l’animal près de leur cœur.

Il avait rempli 2 tasses, la sienne et celle de Lucette.  Un lait pas de sucre pour lui, deux lait un sucre pour elle.  Une goutte était tombée à côté de la tasse, il l’avait essuyée avec un linge bleu qui trainait près de l’évier.  La cafetière indiquait 9 :15.  Il faudrait bien aller réveiller Lucette.  Mais, bon elle dormait, pourquoi lui enlever ce bonheur.

Il avait monté lentement les escaliers avec les deux tasses, espérant que Lucette dormirait encore quand il entrerait dans la chambre. Elle souriait dans son sommeil quand il l’avait quittée 2 heures plus tôt.  En montant, il continuait sa liste.   « Appeler les enfants, tenir un conseil de famille, ...»

Il se demandait ce qu'il ferait à manger aux enfants ce soir.  Lucette avait congelé une lasagne cet automne, il faudrait la dégeler. C'est ça qu'il servirait aux enfants.  Non, plutôt, il commanderait quelque chose chez le traiteur.  Oui, ça serait mieux comme ça, la lasagne ça risquerait de rendre la conversation plue ardue.

Après la lasagne, quand Lucette sera couchée, ils iraient au salon, sous prétexte de voir la télé, le chien n'y verrait que du feu et viendrait se rouler en boule près de lui, pendant qu'il parlerait aux enfants. Robert continuait sa liste, «... expliquer aux enfants qu’il avait encore trouvée leur mère perdue en pyjamas à 3 rues de la maison, discuter des options, trouver un centre d’hébergement avec sécurité… ».  

2 commentaires:

  1. Je ne t'ai pas dit que ma mère commence à en oublier des bouts... Évidemment, tu m'as encore fait pleurer... Pis c'est ben correct comme ça. (de pleurer)

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  2. Ce billet a une très belle chute. Une triste chute...

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