Le choix de Gisèle

Cette histoire est la suite de Deux bouquets 


Quelle ne fut pas ma surprise hier matin, en montant dans le train, la tête dans mes problèmes au bureau, de revoir, Gisèle.  Souriant, heureuse, le même sourire qui m’avait frappé la première fois que je l’avais vue. Ce magnifique sourire de femme heureuse et sereine.  
Il y a quelques semaines, un des ingénieurs du bureau était venu lui porter pas un mais bien deux bouquets de fleurs.  Lui, si sérieux et autosuffisant d'habitude, était venu tout gêné la visiter, lui parler, prendre ses nouvelles et lui avouer son amour. Ils s’étaient assis un moment avait discuté de choses et d’autres.  Elle s’était dit que si les choses avaient été différentes, elle aurait été flattée et aurait peut-être voulu prendre le temps de mieux connaître cet homme chez qui elle venait de découvrir une sensibilité et un sens de l’humour qu’on n’aurait pas deviné autrement.

Mais les choses avaient changées, beaucoup.  Dans le train, la Gisèle que j’ai vue avait le même sourire et la joie de vivre,  mais elle avait perdu tous ses cheveux.  Après quelques mois de rémission, elle avait appris que le cancer revenait et avait dû reprendre de nouveau la chimio.

Le cancer qu’elle avait cru vaincu, avait repris du territoire.  Assise dans le train, elle ne portait ni perruque, ni bandana, ni chapeau, rien que son crâne dégarni comme un doigt d'honneur qui nous envoyait toutes nos craintes au visage, avec ici et là, quelques mèches de cheveux rebelles qui avaient décidé de s'accrocher.

Elle savait bien que cette nouvelle bataille, contre la maladie, était peut-être la dernière.  Elle avait supporté avec peine cette nouvelle série de traitements en se disant qu’elle ne referait plus cela.  Et depuis, elle se levait chaque jour  et vivait comme si c’était le dernier. 

Elle prenait le train en papotant avec sa sœur, Madeleine, comme 2 fillettes, elles venaient ensemble à Montréal en touristes, iraient voir l’exposition de Jean-Paul Gaultier, mangeraient à l’une des terrasses du quartier des spectacles et iraient s’asseoir dans un parc à regarder les gens passer.

Elle savait qu’elle n’avait peut-être plus beaucoup de jours à vivre, mais ce serait les plus pleins, les plus heureux qu’elle aurait, et c'est avec ses enfants, sa famille et ses amis qu'elle voulait les vivre.  


La suite de cette histoire sur L'homme qui attendait un train (1)

4 commentaires:

  1. Ton histoire de plus de cheveux me rappelle un récit délectable et émouvant à en verser plus d'une larme...

    "La mort est un chat."
    -Serge Bouchard
    Dans son recueil de textes intitulé: L'homme descend de l'ourse, Éditions Boréal

    Vous avez lu?

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  2. ...je pourrais changer le nom de Gisèle pour''Anne-Marie''. C'est ma belle-mamam. Elle avait déjà gagné son ciel dix fois il y a plusieurs années. Elle s'était bravement battue contre un cancer du sein alors que tous ses enfants avaient quitté la maison et qu'il ne lui restait que son deuxième mari (le premier étant décédé...). Rien pour l'aider ou la supporter car il lui prenait toute son énergie pour ses propres besoins à lui. Ça fait un an que le cancer est revenu mais qu'elle n'a fait que s'occuper de l'autre avec ses besoins grandissant mais sa reconnaissance toujours invisible. ''Pour le meilleur et pour le pire'' qu'ils disent....La pauvre, si elle avait su que c'était seulement du pire qui l'attendait.
    J'en aurrais encore long à dire mais je veux revenir à ce que j'ai trouvé de positif dans ton texte!!
    Chaque fois que je lui parle, je suis étonnée du ton dans sa voix: On sent la réalité de la situation mais elle refuse de se laisser abattre. Je sent le sourire toujours présent dans son ton mais aussi dans ses mots. Chaque fois qu'elle en a la chance ou qu'elle se sent assez bien, elle cultive son petit jardin avec autant d'amour et d'espoir d'en voir la vie faire son oeuvre et lui offrir la récolte qu'elle attend.
    L'autre jour, mon grand garçon,lui parlant au téléphone, lui demande s'ils auront du gâteau à la rhubarbe à leur prochaine visite (elle nous en fait chaque été que nous y allons)... Elle lui a répondu qu'il lui suffisait d'aller au jardin cueillir la rhubarbe et de venir lui porter mais qu'elle ne le ferait pas toute seule...elle allait le faire avec lui.
    Elle ne lui a pas dit: ''Ça dépend comment je me sent'' ni qu'elle avait perdu ses cheveux.
    Katia

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  3. @katia, je suis toujours impréssionnée par la serenité et la paix des femmes atteintes du cancer, que j'ai connue personnellement ou croisées dans la rue, c'est une leçon de vie très importante à nous toutes qui pensons avoir la vie devant nous, et arrivons à nous plaindre de choses parfois si futiles....

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  4. @ Michèle, non je ne l'ai pas lu, mais je vais le chercher, ça m'intrique.

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